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L’incroyable percée des vins portugais sur les marchés mondiaux
Par Isabelle Escande - Photographs: courtesy of the estates, le 07 novembre 2023
Traditionnellement gros consommateur de sa propre production viticole, le Portugal connaît, depuis quelques années, une hausse des exportations de ses vins. Prix attractifs, cépages autochtones, grande diversité… Divers paramètres expliquent cet engouement sur le marché mondial où les maisons portugaises sont bien décidées à se faire une place de choix.
Il est fini le temps où les vins du Portugal ne rimaient, pour les marchés extérieurs, qu’avec porto et madère. Outre ses fameux vins mutés, la vallée du Douro est désormais réputée pour ses vins tranquilles, secs et frais. Par ailleurs, d’autres régions font parler d’elles, comme l’Alentejo avec ses rouges amples et fruités, ou encore le Vinho Verde et ses blancs, jeunes et croquants, qui sont aujourd’hui particulièrement appréciés. Pourtant issus d’une appellation voisine de celle du porto, ils en sont l’image opposée. D’une couleur presque transparente, ils se distinguent par leur belle acidité et leur légère effervescence. Rien à voir avec la robe sombre et le profil riche et puissant du porto !
Cette offre contrastée a bien sûr de quoi emballer les marchés internationaux, surtout quand la production viticole du pays répond à certaines tendances chez les consommateurs. Goût pour les nectars légers et frais, attrait pour les vins “authentiques”, fidèles à l’identité de leur terroir… Forts d’une longue tradition viticole, les producteurs portugais ont souvent privilégié les spécificités régionales. D’ailleurs, s’il y a une chose qui caractérise le vignoble portugais, c’est bien la richesse de ses cépages autochtones, rouges et blancs, qui seraient plus de 300 ! En plus, ces variétés locales sont, d’un point de vue génétique, très différentes des cépages de l’Ancien Monde (si on exclut le Sud de la France).
Mais si les viticulteurs prennent soin de préserver la typicité de leurs vins, ils ont également adopté, ces dernières années, les techniques de vinification modernes, afin d’améliorer la qualité de leur production, grâce notamment à des subventions européennes. Le choix d’un modèle qualitatif et non productiviste a porté ses fruits, puisqu’aujourd’hui le Portugal est le huitième plus grand exportateur mondial de vins, avec une hausse des exportations aussi bien en volume qu’en valeur.
Le pays est parvenu à renforcer sa présence sur ses marchés historiques, comme l’Europe, le Royaume-Uni ou les États-Unis, mais aussi à diversifier ses pays importateurs. De nos jours, les domaines multiplient les actions pour se faire connaître en Asie, comme en Corée du Sud ou en Chine, où les vins portugais sont de plus en plus appréciés. Nous avons rencontré cinq domaines de la péninsule pour connaître leur point de vue sur cette évolution et leur stratégie pour maintenir un positionnement optimal sur les marchés mondiaux.
José Maria da Fonseca, la qualité avant tout
Le vignoble de José Maria da Fonseca se trouve principalement dans la péninsule de Setúbal, sur la côte ouest du pays, là où les premières vignes de la péninsule ibérique auraient été plantées. Si l’histoire du domaine ne remonte pas à l’Antiquité, il peut quand même se targuer d’une longue tradition viticole puisque, créé en 1834, il est l’un des plus anciens producteurs, encore en activité, du fameux moscatel de Setúbal, le nectar vedette de la région qui s’exportait déjà au XIVe siècle (Richard II d'Angleterre en était friand).
Les vignobles de José Maria da Fonseca sont principalement situés sur la péninsule de Setúbal.
Aujourd’hui, les héritiers du fondateur, qui a donné son nom à l’entreprise familiale, poursuivent l’aventure et font honneur à la réputation d’excellence acquise par le domaine au fil de ses deux siècles d’existence. La maison compte désormais près de 650 hectares de vignes et des équipements de vinification dernière technologie qui n’ont rien à envier aux meilleures caves du monde. Elle a multiplié ses parcelles sur la péninsule de Setúbal, mais a aussi acquis des vignobles de l’Alentejo et du Douro.
Domingos Soares Franco, œnologue de la maison.
L’équipe de José Maria da Fonseca.
Toujours en mouvement, à la pointe des nouveautés et de la recherche, le domaine s’est lancé un défi à la hauteur de ses ambitions : devenir une entreprise durable sur tous les aspects de son activité (vignes, chai, embouteillage, vente). Un projet qui a des répercussions sur la stratégie d’exportation de la maison. Aujourd’hui, il n’est pas question de chercher de nouvelles destinations d’exportation (il faut dire que les vins signés José Maria da Fonseca sont déjà présents dans les principaux pays importateurs de vin au niveau mondial), mais de renforcer la présence de la maison sur ces marchés déjà exploités, et surtout d’axer la croissance sur la qualité plutôt que sur le volume.
La maison exporte 50% de sa production, principalement en rouge, même si dernièrement, commente Marta Oliveira, assistante commerciale du domaine, les demandes en blanc, en rosé et en effervescent se font plus importantes. Une tendance qui répond au goût des consommateurs actuels pour des vins moins alcoolisés. D’une grande variété, l’offre portugaise en matière de vins a la chance de pouvoir s’adapter aux exigences du marché international. Diverse, la gamme est aussi unique, nous rappelle Marta, car les cépages portugais sont très peu cultivés dans d’autres terroirs du monde…
La maison de la famille, qui est depuis 7 générations à la tête du domaine, a été transformée en musée.
Aveleda, des vins dans plus de 80 pays
Plus grand producteur et exportateur de Vinho Verde, le domaine Aveleda reflète bien l’ascension des vins portugais sur les marchés mondiaux. Fondée en 1870, cette entreprise, qui est depuis 5 générations entre les mains de la famille Guede, est devenue, au cours de ses 150 ans d’existence, une propriété de renom, présente dans 5 régions du Portugal (Vinho Verde, Douro, Bairrada, Algarve et Lisbonne) et exportant dans plus de 80 pays. Les États-Unis, l'Allemagne, le Brésil, le Canada et la France sont ses principaux marchés d’exportation, mais la maison s’intéresse de près également à l’Europe de l'Est, aux pays orientaux et à l’Amérique du Sud, nous explique Gustavo Monteiro, son directeur commercial.
Gustavo Monteiro, directeur commercial d’Aveleda.
Malgré cette croissance exponentielle, le domaine est resté fidèle à sa philosophie : l’art du détail. Le travail est minutieux aussi bien dans les vignes que dans les chais (pressurage doux, fermentation à basse température, par exemple), où l’intervention se veut minimale. L’ensemble de l’activité s’inscrit dans une approche durable et respectueuse de l’environnement (préservation de la biodiversité, respect du terroir, entre autres).
C’est d’ailleurs ce souci de la qualité qui explique le succès des vins portugais sur les marchés mondiaux aujourd’hui, commente Gustavo. “Ils offrent un rapport qualité-prix très apprécié à l’international”. Et s’ils manquent encore de visibilité, en raison de la production relativement restreinte et de leur positionnement majoritairement off-trade sur les marchés extérieurs, il est clair qu’une nouvelle tendance s’affirme, nous explique Gustavo. La présence de plus en plus remarquée des vins portugais lors des grands concours internationaux le confirme.
Prochain objectif de l’entreprise : atteindre 600 hectares de vignes.
La maison Aveleda, qui a participé à faire connaître le Vinho Verde au-delà de ses frontières, a notamment obtenu une médaille d’or, lors du dernier Challenge International Gilbert & Gaillard, pour l’une de ses cuvées de la fameuse appellation. Avec ses notes de fleurs blanches et d’agrumes, il révèle une fraîcheur qui va en séduire plus d’un !
Aujourd’hui, les Vinhos Verdes et les vins du Douro sont particulièrement appréciés à l’international.
Adega Cooperativa de Guimarães ou le charme du vin vert
Si elle est classée patrimoine mondial par l’Unesco, la ville historique de Guimarães (qui fut autrefois capitale du Portugal), accueille aujourd’hui de plus en plus de visiteurs attirés par le vignoble environnant, le Vinho Verde. Car, rappelons-le, le Vinho Verde est avant tout une appellation, nichée au cœur d’une région verdoyante du nord du Portugal. Elle est le berceau de vins, blancs pour la plupart, secs et perlants, qui doivent leur nom, non pas à leur couleur, mais à leur jeunesse. Réalisés à partir d’une vendange précoce, ces vins sont embouteillés tôt et doivent être consommés rapidement.
Pedro Campos, œnologue de l’Adega Cooperativa de Guimarães.
Consommés localement, ils sont parvenus, depuis quelque temps, à se faire un nom sur le marché mondial, grâce aux efforts des viticulteurs de la région (et notamment des coopératives) pour se moderniser. Cuves en inox, contrôle des températures… Les établissements viticoles se sont dotés d’équipements dernier cri et misent dorénavant sur la qualité.
Fondée en 1962, l’Adega Cooperativa de Guimarães fait partie de ces acteurs clés de l’appellation, à l’origine de sa renommée. Implantées sur des sols granitiques, le long des pentes de la rivière Ave, les vignes de la coopérative produisent principalement des vins blancs, à partir de divers cépages, comme le loureiro, l'arinto, l'alvarinho et la trajadura. “Des variétés qui s'adaptent au terroir de la région et qui expriment pleinement la fraîcheur et les arômes typiques du Vinho Verde”, nous explique l’œnologue de la maison.
Située à la pointe nord du Portugal, la coopérative se trouve dans la région de Minho.
Aujourd’hui, 40% de la production de la coopérative est destinée à l’export. Et si dernièrement, la guerre en Ukraine a légèrement ralenti la courbe, commente Bruna Almeida, de la coopérative, une tendance à la hausse du volume exporté s’est clairement dessinée ces dernières années. L’Europe et le Brésil ont été les premiers à s’intéresser aux Vinhos Verdes, mais la coopérative commence à exporter vers d’autres horizons, comme la Corée, Taïwan et la Chine. “Ce sont actuellement les marchés sur lesquels nous investissons le plus”, nous confie Bruna, “par le biais de visites et de participations à des foires”.
Et qu’ont-ils ces Vinhos Verdes pour se différencier des autres productions viticoles ? Leur caractère fruité et frais en bouche, mais aussi leur assemblage de cépages “qui les rendent tout simplement uniques”. Comme ça, c’est dit.
L'Adega Cooperativa assure l'ensemble du processus de production de vin après la récolte.
Adega de Cantanhede, une maison pionnière
Première entreprise viticole portugaise à avoir gagné, en 1997, lors d’un prestigieux concours international, une médaille d’or, pour un vin rouge réalisé exclusivement à partir d’un cépage autochtone (le baga pour ne pas le nommer), Adega de Cantanhede a braqué les projecteurs sur la richesse ampélographique du Portugal et ouvert la voie aux vins portugais sur les marchés mondiaux, nous explique l’œnologue de la maison, Osvaldo Amado.
L’équipe de la coopérative avec Osvaldo Amado, œnologue en chef de la maison, à gauche.
Dès le début de sa création, en 1954, par un collectif d’une centaine de viticulteurs, la coopérative croit en la promotion du patrimoine viticole portugais pour percer à l’export. Afin de se différencier et d’affirmer son identité par rapport à des concurrents très bien implantés, les variétés indigènes, qui donnent aux vins portugais un style unique, sont une mine d’or.
Les cépages traditionnels de la région Barraida où se trouve la coopérative, au Centre-Ouest du pays, comme le baga, le bical et le maria gomes, sont mis en avant (la maison exploite encore des vignes de baga de plus de 90 ans), mais aussi d’autres variétés portugaises qui trouvent, dans l'appellation Bairrada, un terroir de prédilection, tels que le touriga nacional, l'aragonez et l'arinto.
Cette diversité et cette richesse ont permis à la coopérative de proposer une large gamme de vins, un atout non négligeable pour l’exportation. Rouges, blancs, rosés, fortifiés, effervescents réalisés selon la méthode classique… Ce portefeuille varié lui donne la possibilité de répondre à de nombreuses problématiques. D’autant plus que la coopérative élabore aussi bien des vins de table que des nectars premium, ce qui lui assure aujourd’hui une présence sur plus de 20 marchés extérieurs.
João Portugal Ramos, un domaine tourné vers l’export
Winemaker réputé, devenu une référence sur le marché international, João Portugal Ramos a fortement contribué à la réputation des vins du Portugal dans le monde. Ses nectars, produits dans quatre régions (Alentejo, Douro, Beiras et Vinho Verde) occupent la première place des ventes de vins portugais dans plusieurs pays.
João Portugal Ramos avec son fils João Maria.
La maison a toujours été axée vers les marchés étrangers, nous explique l’œnologue João Maria Ramos, le fils du fondateur. “Au fil des ans, nous avons augmenté nos volumes d’exportations qui représentent aujourd’hui 70% de la production”. Historiquement, les vins signés João Portugal Ramos se vendent aux États-Unis, au Brésil, au Royaume-Uni, en Suède, en Pologne, en Belgique et en Suisse, mais ils commencent à se faire connaître en Australie, en Chine, en Angola et en Afrique du Sud. La maison multiplie ses participations à des foires internationales et a augmenté son équipe commerciale pour renforcer sa présence sur ces marchés émergents.
Mais c’est surtout le souci constant de la qualité et la capacité d’adaptation de l’entreprise aux demandes des marchés qui expliquent sa réussite, selon le jeune homme. De nos jours, les consommateurs recherchent de plus en plus de vins élaborés de façon durable et responsable (et qui peuvent le prouver), commente João Maria. Or, chez João Portugal Ramos, les initiatives vertes sont légion (protection de la biodiversité, fertilisants naturels, intervention minimale, gestion optimale de l’eau, etc.).
Une vinification dans le respect des traditions.
De plus, le domaine a investi dernièrement dans l'œnotourisme. Or il s’agit “d’un outil extrêmement important pour contribuer au succès de nos vins sur les marchés étrangers” nous confie João Maria. “Le Portugal accueille des millions de touristes chaque année et beaucoup d'entre eux cherchent à visiter des domaines. Nous voulons qu'ils vivent une expérience unique et qu’à leur retour, ils recherchent des vins portugais dans leur pays d’origine”. La boucle est bouclée.
Les vendanges manuelles sont de mise chez João Portugal Ramos.
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