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Steven Spielberg : « Le meilleur, dans le cinéma comme dans le vin, c’est le frisson »

C’est incontestablement le metteur en scène le plus « universel » de la planète. L’un des plus inspirés surtout. Depuis plus cinquante ans, Steven Spielberg est bien plus qu’un cinéaste, c’est un conteur, un magicien de l’image, un Méliès des temps modernes, un artisan capable du produire du rêve avec une seule constante : la qualité. Entre deux tournages, il nous parle d’une autre passion : le vin !

Vous avez déclaré un jour que c’est Stanley Kubrick qui vous a fait découvrir le vin ?

En 1979, je finissais le tournage des « Aventuriers de l’arche perdue » en Grande-Bretagne, pendant que lui peaufinait les derniers plans de « Shining ». Je le revois comme si c’était hier. Il portait des pantalons deux fois trop grands pour lui et un sweater dont les manches traînaient. J’imaginais Stanley Kubrick grand, imposant. Il était en réalité tout petit. Je devais à l’époque me servir du set qu’il utilisait quand le plateau prit feu. Conséquence : nous dûmes achever nos productions en France. Ce coup du sort, nous rapprocha. Pendant des années, nous avons entretenu une correspondance amicale. Puis il m’invita chez lui. Nous passions alors des heures à papoter. Chaque discussion était une sorte de joute verbale. Il me harcelait littéralement de questions sur mes projets, sur mes idées sur le cinéma, sur les enfants, sur la vie, sur tout et sur rien. A la fin de la journée, j’avais la cervelle vidée de sa substantifique moelle. Stanley était comme ça, il vous suçait votre matière grise jusqu’à ce vous soyez en panne sèche. Pour délier les langues, je me rappelle qu’allait chercher sa cuvée spéciale. Un vin rouge exceptionnel qu’il avait déniché je-ne-sais-où. Au cours de ma vie, j’ai rencontré des gens extraordinaires. De vrais amoureux du vin surtout. Je pense notamment à Francis Ford Coppola qui pourrait tenir un colloque là-dessus mais aussi François Truffaut ou Orson Welles ! Dès qu’ils parlaient de vin, ces derniers avaient les yeux qui pétillaient comme du Champagne !

 

Vous êtes millionnaire en dollars, vous collectionnez les trophées, les oscars, les médailles, les nominations, vous êtes reconnu pour votre travail par les professionnels du monde entier et le public se rue dans les salles à la moindre production signée Spielberg. Qu’est-ce qui peut encore vous faire rêver, vous donner l’envie de continuer à faire des films ?

Le frisson ! J’aime deux choses fondamentales dans la vie. La première, c’est d’assister à la naissance d’un enfant. L’autre miracle pour moi, c’est la création d’un film ou d’une série. Vous êtes-là, chez vous, ou dans la rue et, subitement, vous ne savez pas pourquoi ni comment, une idée vous vient à l’esprit. Dix-huit mois plus tard, ce sont des millions de gens enfermés dans une salle obscure qui partagent cette pensée que vous avez eu dans un coin de votre tête. Et ça, voyez-vous, c’est le plaisir suprême. La joie de vous dire, cette petite fulgurance venue de nulle part est aujourd’hui un spectacle dont les gens se souviendront toute leur vie ! Je pense que c’est un peu la même chose pour quelqu’un qui élabore un vin. Du pied de vigne à la mise en bouteille, il y a différentes étapes que vous ne pouvez pas bâcler si vous voulez que le résultat plaise et surtout traverse le temps. C’est un long cheminement qui demande beaucoup de patience et surtout beaucoup d’attention.

 

Le vin, vous vous y connaissez comment ? Modérément, Passionnément ? A la folie ?

Je suis fasciné par le vin mais je dois admettre que c’est un sujet complexe. Quand vous rencontrez des experts, des palais confirmés, des épicuriens avérés, vous avez toujours peur de passer pour un ignorant. Et quand vous rencontrez des ignorants, vous avez du mal à étaler votre science en la matière. Enfin, le peu que vous avez ! Aujourd’hui, je possède une petite vigne en bas de chez moi. Pas de quoi alimenter l’Amérique ou faire de l’ombre aux grands crus français, mais bon, avoir les mains dans la terre et voir les grappes pousser, c’est un spectacle dont je ne me lasse pas ! C’est en effet le spectacle de la Nature !

 

Dans « Indiana Jones et la dernière Croisade », le méchant de service choisit la mauvaise coupe et se désagrège sur le champ. Quel est le pire vin que vous ayez bu ?

C’était une infâme piquette que mon père m’avait servi. Le vin provenait d’une bouteille que lui avait offert l’un de ses clients dans l’informatique. Deux options possibles : soit ce client n’y connaissait rien en vin ! Soit son intention était d’empoisonner mon père parce qu’il n’était pas content de sa prestation. Qui sait ? C’était peut-être un concurrent dans un business très compétitif !