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"Terra Vitis" : la certification environnementale en pleine croissance.
Par Christelle Zamora, Photographies : fournies par les domaines, le 20 juin 2022
De la vigne à l’embouteillage, Terra Vitis garantie la bonne traçabilité, la bonne organisation et la bonne conduite environnementale de l’exploitation viticole en agriculture raisonnée. Cette certification française fait de plus en plus d’adepte notamment parce qu’elle prend en compte les nouvelles normes de responsabilité sociétale.
Née dans le Beaujolais il y a plus de deux décennies, Terra Vitis a été pionnière dans le développement durable au vignoble. À cette époque, les engagements sociétaux ou environnementaux intéressaient peu de consommateurs, mais déjà des vignerons visionnaires du Beaujolais pensaient que préserver la vie des sols, équilibrer milieux cultivés et milieux naturels, garantir le respect des normes et protéger les salariés étaient des missions qui contribuaient à l’intérêt général comme à la vitalité de leurs domaines.
Raisin cueilli à la main.
Terra Vitis est une certification française exclusivement dédiée au secteur viticole, reconnue par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Ces hommes ont impliqué avant l’heure la Responsabilité Sociétale des Entreprises aujourd’hui appelée RSE. Depuis quelques mois, Anne-Laure Ferroir a pris la direction de la Fédération nationale de l’association Terra Vitis. Jeune ingénieur en énergie, elle a beaucoup voyagé en Chine et aux États-Unis avant de suivre un Master spécialisé dans le commerce et le marketing du vin à l’école de commerce de Dijon, en Bourgogne. Son sujet de mémoire était centré sur la question de savoir produire du vin de manière plus responsable et plus durable.
De grands noms font partie de l’association
« Les valeurs prônées par l’association Terra Vitis depuis sa création sont aussi les miennes. Contrairement à ce que l’on pense, pour produire une bouteille de vin de façon durable, ce n’est pas à la vigne que les impacts environnementaux sont les plus forts, mais à l’embouteillage. Produire une bouteille de vin nécessite de la matière première (la silice), les fours des verriers fonctionnent à des températures très élevées. Enfin, le transport des bouteilles est lui aussi énergivore », relate Anne-Laure Ferroir. En France, 5% des surfaces viticoles françaises sont certifiées Terra Vitis sur 220 AOP et IGP, ce qui représente 45 000 hectares. « Nous avons parmi nos adhérents des grands noms de la viticulture française comme le Château de Santenay, un des plus fameux domaine de la Côte de Beaune en Bourgogne, le Château Pape Clément (Grand Cru Classé des Pessac-Léognan) ou le Château Montlabert, Grand Cru de Saint-Émilion », ajoute-t-elle.
Depuis quelques mois Anne-Laure Ferroir a pris la direction de la Fédération Nationale Terra Vitis, une certification environnementale présente dans 7 régions françaises et réunissant 1850 adhérents.
Terra Vitis se déploie dans sept régions viticoles, compte 1 876 adhérents et s’affirme comme une certification dédiée à la filière viti-vinicole. « Nous connaissons une importante progression ces cinq dernières années, avec une belle poussée dans le Bordelais et en Languedoc et en parallèle, de petits vignobles comme le Jura s’impliquent dans la démarche Terra Vitis », commente Anne-Laure Ferroir.
Claire Clavel exploite un domaine en Terra Vitis dans le Gard avec exigence.
Reste encore à conquérir d’autres régions comme la Savoie ou la Corse. En 2021 et 2022, Terra Vitis a pour ambition de continuer à accompagner la conversion du vignoble français dans une démarche de responsabilité, de renforcer les enjeux de traçabilité en amont comme en aval, de mieux se faire connaître des distributeurs et des consommateurs français comme internationaux.
Une certification adaptée à la viticulture
Dans le Gard, Claire Clavel a repris le domaine familial de 80 ha. Avec une telle superficie, elle n’a pas envisagé l’agriculture biologique mais plutôt l’agriculture raisonnée avec la certification Terra Vitis en 2010. Pour autant, les exigences de culture de cette certification lui ont permis de commencer à travailler en bio une parcelle du domaine. « Concrètement, j’ai pu raisonner mes traitements phytosanitaires, mieux travailler mes sols qui sont bien vivants, davantage contrôler les traitements aux vignobles avec des doses infimes au point que mes vins ont été analysés avec zéro résidu de pesticides sur certains millésimes », soutient-elle.
Claire Clavel dans ses vignes gardoises, exploitées en Terra Vitis.
Cette vigneronne expérimente une parcelle de 15 hectares en agriculture biologique et constate chaque jour que la biodiversité de son vignoble est préservée. « Surtout, je tiens un registre des déchets sur l’exploitation et j’ai pu compléter ma démarche d’un label HVE en 2019. Je suis fière du chemin parcouru », témoigne-t-elle. La certification Terra Vitis apporte donc au consommateur la garantie d’une viticulture responsable certifiée. De fait, Terra Vitis est l’une des certifications environnementales majeures de la filière viti-vinicole française aux côtés du label Agriculture Biologique (AB). « Terra Vitis est à la fois une certification et une association qui accompagne ses adhérents vers la reconnaissance de bonnes pratiques. L’association leur donne des outils pour les mettre en place et produire de manière plus responsable. C’est un point différenciant du label Agriculture Biologique (AB). Terra Vitis impose une démarche qualité rigoureuse », rappelle Anne-Laure Ferroir qui soutient que ce qui distingue Terra Vitis des labels de l’agriculture biologique, c’est que cette certification française est spécifique à la viticulture.
Récolte de raisin.
« La norme HVE est une norme environnementale mais qui va s’appliquer aux exploitations agricoles de manière plus globale, elle n’est pas spécifiquement adaptée à la viticulture. Le label Agriculture Biologique a été conçu pour s’appliquer à différents produits comme le vin, les cosmétiques ou les denrées alimentaires. Dans trois vastes champs d’application que sont l’engagement environnemental, la responsabilité sociétale, la durabilité économique, Terra Vitis certifie le respect d’un cahier des charges exigeant et mesurable qui structure les exploitations viticoles dans une démarche de responsabilité et de progrès », explique Anne-Laure Ferroir.
Des bonnes pratiques avant tout
La démarche englobe la vigne, la stratégie phytosanitaire, la biodiversité, le chai. Terra Vitis a été précurseur sur la gestion des déchets et le recyclage car la bonne gestion des déchets va concerner la pollution de l’eau, de l’air, du sol. Philippe Raimbault qui a hérité d’un domaine familial de 17 hectares dans la Loire en AOP Sancerre, Pouilly-Fumé et Coteaux du Giennois en témoigne.
Philippe Raimbault a hérité d’un domaine familial de 17 hectares dans la Loire en AOP Sancerre, Pouilly-Fumé et Coteaux du Giennois.
Ce vigneron travaillait déjà dans des conditions proches de la viticulture biologique. « Pour des raisons climatiques, il est plus difficile de produire des vins biologiques dans la Loire alors j’ai cherché une alternative. Terra Vitis a été une aide précieuse, la première année je me suis mis en conformité avec les exigences et la seconde en 2015, j’ai été certifié. J’ai fait ce choix car je suis proche de la nature et j’entends préserver la biodiversité, pour moi c’était une évidence », souligne-t-il.
La famille Raimbault père, fils et petite-fille dans le chai du domaine.
Dans le Tarn, les vignerons Jean-Marie et Jérôme Bézios (père et fils), sont co-propriétaires du domaine La Croix des Marchands (30 hectares) situé à Montans sur la rive gauche du Tarn, et de Château Palvié (20 ha), situé sur la rive droite à Cahuzac-sur-Vère. « Nous travaillons les deux terroirs de l’AOP Gaillac et des cépages anciens. Nos vins sont sur le fruit rive gauche, et gagnent en complexité sur les sols de grave de la rive droite. Nous avons choisi de travailler avec Terra Vitis depuis dix ans car notre souhait est de produire des vins issus de sols vivants. Depuis 3 ans, nous avons aussi la certification HVE », argue Jérôme Bézios.
A la propriété, Jérôme Bezios s’attache à valorise la certification Terra Vitis auprès de sa clientèle, lors de ventes directes.
Le vignoble du domaine La Croix des Marchands, dans le Tarn.
Le domaine a fortement travaillé sur les questions cruciales de l’environnement. « Nous valorisons autant que possible Terra Vitis, cela permet à notre clientèle de bien comprendre notre démarche à la vigne comme à la cave où nous réfléchissons chaque année à réduire nos apports en souffre que ce soit à la vendange ou lors des élevages. Les matières sèches sont choisies en fonction d’un impératif de recyclage des emballages. Nous utilisons des cartons recyclables et des encres lavables. Ensuite, on privilégie le local. Ainsi, la fabrication des bouteilles a lieu dans le Tarn où la Verrerie Ouvrière d’Albi, très engagée dans l’environnement avec le label Ecova, emploie le verre recyclé pour fabriquer de nouveaux flacons », décrit Jérôme Bézios.
Une traçabilité de la vigne au chai
Au Château Thieuley dans l’Entre-deux-Mers, la vigneronne Marie Courselle ajoute : « Terra Vitis m’a permis de remettre du bon sens agricole au sein de mes pratiques. Je fais ce que j’écris, et j’écris ce que je fais. Cette totale transparence sur nos pratiques est un vrai plus pour le consommateur. » Car le label Terra Vitis exige 77 points de contrôle dans son cahier des charges, des contrôles effectués soit par l’association Terra Vitis locale, soit par un organisme indépendant et agréé, gage de sérieux et de transparence. Chaque vigneron est ainsi certifié annuellement suivant un plan de contrôle défini. « Une personne se consacre à tracer toutes les étapes de production, le nombre d’interventions au vignoble et cela toute l’année. Passer en Terra Vitis nous a demandé ce gros effort de traçabilité qui consiste à tout enregistrer », précise Jérôme Bézios.
Les échanges entre vignerons sont très importants ainsi que l’accompagnement des chambres d’Agriculture. « Depuis que nous sommes certifiés, nous avons arrêté de travailler en préventif. Désormais, l’intervention à la vigne est motivée seulement lorsque la qualité du raisin est en danger. Avec d’autres vignerons, nous avons réfléchi à installer des nids à chauve-souris qui sont très utiles pour se protéger des insectes ravageurs. Nous allons implanter ces nids d’ici l’an prochain. Nous échangeons aussi sur les composts et la fertilisation des sols », ajoute Jérôme Bézios.
Pour ce qui est de la vigne, Terra Vitis invite les vignerons à respecter l’environnement en privilégiant les mécanismes naturels, en limitant les actions au vignoble, en produisant des raisins sains, en préservant la diversité biologique et la qualité de l’eau, de l’air, des sols. « A cela s’ajoute un volet Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Dans la certification Terra Vitis, le volet social est capital. Gérer sa production, son travail, le cadre de vie tout comme la formation de ses salariés est impératif. La responsabilité sociale et sociétale figure dans le cahier des charges Terra Vitis depuis sa création afin d’apprendre à produire mieux, de manière responsable, en respectant l’homme et l’environnement tout en assurant la pérennité des exploitations viticoles », martèle Anne-Laure Ferroir.
A Fleurie dans le Beaujolais, le domaine de Sylvain Paturaux a vu le jour en 2020. Cet ingénieur formé à Bordeaux Sciences-Agro, est spécialisé dans la viticulture et l’oenologie. Après un parcours d’enseignant dans des lycées agricoles et au Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole, il a créé le Domaine des Deux Fontaines et il a été sollicité pour prendre la présidence de Terra Vitis dans le Beaujolais. « Ce qui me séduit dans la démarche Terra Vitis, c’est l’approche globale de la certification, cela à toutes les étapes, de la plantation de la vigne à l’embouteillage, puis jusqu’à la commercialisation des bouteilles dans un souci économique et de responsabilité sociale avec les salariés. De surcroît, Terra Vitis permet de se former donc de faire des progrès dans la gestion de l’exploitation », précise-t-il.
Sylvain Paturaux, dans ses vignes du Beaujolais, ce vigneron s’est tout récemment installé sur les coteaux de Fleurie.
Dans le Beaujolais, comme dans les autres régions viticoles, le nombre d’adhérents est en progression ces dernières années. Anne-Laure Ferroir précise que 2% du vignoble alsacien, 5% de la Côte des Bars, 8% du vignoble du Beaujolais, 2,5% du vignoble bourguignon et 5% du vignoble de Chablis se sont convertis en Terra Vitis. Sans oublier les autres vignobles, ainsi 7% du vignoble jurassien est en Terra Vitis, mais aussi 8% du vignoble bordelais, 11% du vignoble languedocien, 6% du vignoble du Centre Loire et 2,6% du vignoble provençal.
« Dans notre questionnement de vignerons, le débat actuel se porte clairement sur la consommation énergétique, la valorisation des déchets, la responsabilité sociale de l’entreprise avec ses salariés, puis sur la responsabilité sociétale en amont et en aval avec nos fournisseurs et nos clients. Les questions relatives à la réduction des produits phytosanitaires sont entrées dans les moeurs », argumente Sylvain Paturaux. Pour ce néo-vigneron, Terra Vitis permet une prise de conscience, car la démarche donne un cadre, une exigence indispensable pour penser son exploitation notamment lors de l’installation.
Sylvain Paturaux s’est beaucoup investi dans la défense de l’environnement à travers la certification Terra Vitis.
Pour lui, Terra Vitis peut être une formule d’accompagnement des jeunes viticulteurs qui peuvent ainsi avoir une meilleure rigueur dans la gestion de leur exploitation. « Alors bien sûr, cela a un coût d’environ 2000 € la première année, mais quel gain de temps par la suite. Reste encore à travailler la valorisation pécuniaire des vins Terra Vitis, c’est une question très actuelle. Il faut désormais mieux informer le consommateur de ce que l’on fait. Au niveau des instances locales, les syndicats nous sollicitent sur la rédaction des cahiers des charges des AOP et l’INAO a pris conscience que les normes environnementales aussi doivent être prises en compte dans ces textes », relate ce vigneron.
Une certification prisée à l’international
Pour avoir souvent voyagé aux États-Unis et en Chine, Anne-Laure Ferroir explique que certains accès au marché sont contraints par des labels, des exigences environnementales. Aujourd’hui la valorisation financière se fait surtout sur des bouteilles labellisées en Agriculture Biologique. En revanche, être certifié Terra Vitis peut permettre d’accéder aux marchés nordiques comme le marché scandinave qui privilégie des vins certifiés de manière durable. D’ailleurs, les vins certifiés Terra Vitis sont référencés sur les marchés finlandais ou norvégiens. Dans ces pays, la question d’avoir un approvisionnement durable se pose déjà avec acuité.
Si Terra Vitis est moins valorisée sur le marché américain, le marché québécois l’a déjà intégré car la question environnementale et la responsabilité sociétale sont à l’ordre du jour pour La Société des Alcools du Québec (SAQ), un monopole d’État. En France, on commence à s’interroger sur l’intégration de mesures agro-écologiques dans les cahiers des charges des appellations. « A l’avenir, peut-être pourrait-on exiger un certain niveau de certification environnementale. Terra Vitis pourrait être un prérequis pour accéder à des labels environnementaux comme HVE, la question se pose actuellement dans le Médoc ou à Saint-Émilion. On a intégré en 2020 certains points du cahier des charges HVE de façon très formelle. L’audit Terra Vitis est plus complet car non seulement il concerne près de quatre-vingt points de la vigne au chai, mais il intègre quatre points HVE. La certification Terra Vitis est donc plus contraignante », assure Anne-Laure.
Le Domaine des deux fontaines et son vignoble du vigneron Sylvain Paturaux à Fleurie dans le Beaujolais.
Terra Vitis est une certification française exclusivement dédiée au secteur viticole, reconnue par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Et cela est un atout à l’international. « Le label Terra Vitis compte de plus en plus à l’export. Les labels environnementaux sont très demandés. Cela nous aide à rester crédible, à sécuriser et à formaliser nos engagements environnementaux, même si un travail reste à faire sur la valorisation des vins labellisés Terra Vitis, le fait que le label intègre la responsabilité sociale des entreprises est un véritable atout pour l’export », conclut Jérôme Bézios au domaine La Croix des Marchands, dans le Tarn. Tout récemment Les Grands vins de Bordeaux, un des trois premiers négoces bordelais créé en 1820, a changé d’identité au salon WineParis en devenant Maison A. de Luze, du nom de son fondateur le baron Alfred de Luze.
Cette évolution coïncide également avec le lancement d’une démarche RSE ambitieuse, qui fait écho aux préoccupations environnementales, déjà concrétisées par la certification Terra Vitis d’une partie de la production de ce négociant girondin. Désormais, les cuvées de la marque sont signées et les châteaux partenaires rehaussés du nom de De Luze sur la capsule et la contre-étiquette. « En 2019, nous avons retravaillé le marketing de certaines de nos gammes en bordeaux rouge, blanc et rosé. Tous réseaux confondus, 375 000 cols sont parés du logo Terra Vitis sur l’étiquette. Cette certification vient compléter d’autres labels comme HVE ou AB dans nos gammes. Terra Vitis parle au consommateur et répond à son sentiment d’appartenance à l’époque du « boire local » et de l’éco-responsabilité. Avec Terra Vitis, les marchés à monopole nous sont ouverts car le label y est connu et reconnu. Le logo Terra Vitis concerne nos cuvées 2019, 60% de nos vins sont labellisés HVE ou Terra Vitis. Pour nous, le bio n’est pas l’unique réponse aux questions environnementales et sociétales », estime Xavier Migeot, directeur générale de la Maison A. de Luze.
Présentation de la nouvelle identité é de la Maison A. De Luze à Wine Paris en février 2022.
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