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SPIRITS – Armagnac, cognac, gin, ces spiritueux qui se réinventent !
Par Jean-Paul Burias, le 29 janvier 2024
Dans un marché des spiritueux fourni, le trio armagnac, cognac et gin, réussit la prouesse de valoriser ses acquis et de capitaliser sur une belle notoriété. Résolument tournée vers l’avenir, l’offre s’enrichit avec des produits de qualité au cœur des tendances de consommation…
LE COGNAC
Cognac Frapin : une maison historique
Au cœur de la Grande Champagne, la maison Frapin, dont les origines familiales remontent à 1270, incarne l'essence même du cognac. Son savoir-faire ancestral atteint les plus hauts niveaux d'excellence. Cette propriété familiale regroupe 240 hectares de vignes au service de méthodes et d’une exigence artisanale transmises au fil du temps pour fabriquer des cognacs exclusivement récoltés, distillés et vieillis sur le domaine. « Au niveau des volumes, les VSOP sont les plus demandés », analyse Patrice Piveteau, directeur général. « En termes de valeurs, nos XO dont le Château Fontpinot XO, pour lequel nous célébrons en 2023 le centenaire, sont véritablement nos ambassadeurs ».
Patrice Piveteau, maitre de chai.
Le château Fontpinot.
Unanimement reconnu, Frapin est principalement commercialisé en Europe, sans connaître de baisse notable. « Le marché américain reste relativement faible pour notre maison », souligne Thomas Soret, communication manager. « Il s’agit plutôt d’un marché autour du cocktail et du VS alors que nous avons majoritairement du XO dans notre gamme. La Chine est un acteur important pour nous, avec un ralentissement depuis 2022, et un redémarrage moins rapide que prévu. Malgré cela nous arrivons à maintenir nos ventes par notre positionnement dans un marché de niche haut de gamme comme en Corée du Sud. En Afrique des pays comme le Nigéria, le Cameroun et l’Afrique du Sud sont potentiellement intéressants ».
Le chai sec de millésimes.
Distillerie des Moisans : l’atout maître
Au bout d’une ruelle sinueuse se dessine un hameau. Forte de ses douze chaudières et de ses chais de vieillissement, la distillerie des Moisans présente une maison de maître aménagée pour accueillir les visiteurs. Le vignoble est composé de 60 hectares en Fins Bois et Petite Champagne. Après avoir acheté ses premières vignes, le fondateur Roland Bru a créé dans les années 1960 cette distillerie qui figure parmi les grandes maisons de cognac. Aujourd’hui sa fille, Véronique Legaret, son petit-fils Roland et Olivier Petit, directeur général, ont repris la direction de cette belle histoire de famille. L’ugni blanc domine. Tardif, ce cépage est vendangé en fin d’été pour apporter toute sa délicatesse. « Notre gamme XO est issue de la sélection de rares cognacs élaborés par notre maître de chai », décrit Roland Legaret. Ils sont vieillis à la perfection au minimum dix ans en fût de chêne puis assemblés selon la tradition ancestrale.
Roland et Véronique Legaret.
David Floirac, maître de chai.
L’assemblage est le fruit d’un équilibre subtil qui dévoile au nez un bouquet floral et délicat, puis en bouche une très grande richesse aromatique avec un palais généreux qui révèle toute la complexité d’un nectar de référence. Le cognac Moisans Napoléon est un assemblage d’eaux-de-vie de crus soigneusement choisies et vieillies au minimum six ans, caractérisé par sa robe acajou, son nez floral et des notes de fruits subtiles. « Nous vendons en France et dans soixante pays, ce qui nous permets d’être moins sensible au recul des marchés dans certaines parties du monde », poursuit Olivier Petit. « La particularité de la Distillerie des Moisans, par son histoire et ses vieilles eaux de vie, est de vendre beaucoup de vielles qualités à partir du VSOP jusqu’au hors d’Âge ».
La distillerie des Moisans.
LE GIN
Gin 3R : le gin Normand
Les curieux et les passionnés sont toujours les bienvenus chez Gin 3R. Cette distillerie comble ses clients avec des produits de qualité. Son savoir-faire acquis depuis neuf générations a mis au plus haut niveau l’art de distillation d’un fruit noble de Normandie, la pomme. « Notre gin se caractérise par son équilibre », explique Régis Bouvault, dirigeant. « Il est très aromatique sans être fort et surtout très rafraîchissant. Bien sûr, la concurrence reste importante. Mais la qualité à la dégustation est primordiale. Issue de Normandie, notre base alcoolique est 100% eau-de-vie de cidre ce qui est quasiment unique, et cela fait partie de notre argument commercial. Il existe des gins plus destinés à la mixologie, le nôtre s’adresse aussi aux amateurs particuliers ». Dans un marché parfois difficile, la marque séduit par son originalité. Des pays asiatiques comme Singapour ou Hong Kong, sont très ouverts à cette gamme expressive avec pour base la pomme et une savante recette qui inclut baies de genièvre, coriandre, angélique, estragon, menthe et romarin.
Régis Bouvault lors d'un salon de produits de Normandie.
Trésor Gin Maison Odart : les trésors cachés de la nature
Dans le froid glacial d’un hiver canadien, Manfred Audard, Laura Duclos et leur équipe ont trouvé les précieux ingrédients utilisés pour créer le gin Trésor. Une à une, chaque herbe, fruit et épice sont soigneusement sélectionnés, avant d’enclencher le processus de mélange, d’ajout, de combinaison et de dégustation. « Notre objectif était de créer des gins singuliers, qui se distinguent de ceux déjà présents sur le marché », explique Manfred Audard. « Notre première recette créée est le N°13 avec treize ingrédients dénichés au cours d’une véritable chasse au trésor pour obtenir un équilibre parfait entre les herbes, les épices, les fruits et les fleurs. La baie de genièvre constitue l’ingrédient clé. C’est pourquoi, nous avons choisi d’utiliser le genévrier cade et ses notes suaves et résineuses ».
Laura Duclos et Manfred Audard à la base de Trésor Gin.
Au sein d’une collection de saveurs étendues, le N°6 commercialisé dans une bouteille champenoise claire, se caractérise par six ingrédients : fraises, framboises, cerises, canneberge, bleuets et une touche de rhubarbe. L’objectif étant de proposer un spiritueux rond, suave et gourmand. « Il devient indispensable de proposer des recettes différenciantes, des profils adaptés à la clientèle, tout en gardant un prix compétitif », poursuit Manfred Audard. « Sur notre marché canadien, il existe plus de cent gins locaux, à nous d’être créatifs et innovants. Mais nous avons des demandes sur les marchés émergents en particulier l’Inde, le Mexique et les Caraïbes ».
Les Dames Blanches : le gin sauvage
Au pays du champagne, les saveurs sont multiples. Située dans l'ancien couvent de la reine Blanche de Castille à Jonquery dans le département de la Marne, la distillerie des Dames Blanches met un point d'honneur depuis 2020 à produire des spiritueux de qualité supérieure. Un whisky Single Malt s’accompagne d’un gin, distillé à partir des raisins de l’exploitation viticole, ce qui permet de contrôler chaque étape du processus de production, du raisin au verre. « Notre objectif est de produire un gin sauvage réalisé avec des plantes bio », exprime Paul-Louis Ammeux, propriétaire avec son frère Augustin. « Il n'y a aucune aromatisation. Toutes les plantes sont ajoutées dans l'alcool par macération et distillées avec lui ».
Paul-Louis Ammeux, à gauche, propriétaire avec son frère Augustin.
La recette traditionnelle est déclinée en version française, sans colorant ni aromatisation, mais avec des arômes fournis par macération et distillation. « Nous nous positionnons sur un marché premium et travaillons avec des volumes à taille humaine », reprend Augustin Ammeux. « Nous cherchons la qualité avant le volume, ce qui constitue, je pense, un gage de qualité ».
Un gin Sauvage.
ARMAGNAC
Veuve Goudoulin : les vertus du terroir
Les grandes femmes restent marquées dans la mémoire collective. Lorsqu’elle fonde en 1935 sa distillerie, Jeanne Ménal Goudoulin ne pensait pas forcément que 88 ans plus tard, son nom évoquerait les plaisirs absolus d’un grand armagnac. En 2009, Michel Miclo, propriétaire d’une distillerie familiale dans l’est de la France fait l’acquisition de cette maison. Son objectif est de donner un nouveau rayonnement à la marque tout en préservant son authenticité et sa qualité dans un positionnement premium. « Notre gamme est typée terroir, souligne Michel Miclo. Nous prenons notre temps. Les millésimés restent de longues années en barriques avant la commercialisation pour permettre au fût de bonifier nos eaux-de-vie. C’est un incontournable qui commence à dépoussiérer son image. Cependant, il reste encore un gros travail de notoriété à réaliser, notamment sur le marché national ». Le stockage des fûts de chêne de 400 à 450 litres permet à l’armagnac de développer la complexité de ses arômes et de s’affiner. Les assemblages types VS, VSOP et XO sont les plus demandés sur les marchés export, essentiellement en Europe et en Asie. « Les consommateurs peu avisés confondent armagnac et cognac », déplore Frédéric Cenent, maître de chai. « Ils ont peu de notions des différentes catégories. La dénomination et sa région ont encore besoin de se faire connaitre du grand public » .
L’équipe de la Veuve Goudoulin de gauche à droite Fanny Salome, préparatrice de commande, Sandrine Dubroué, assistante, Catherine Robine Bouteloup, directrice commerciale et Frédéric Cenent, maître de chai.
Château Garreau : divine nature
Situé dans le triangle d’or du Grand Bas Armagnac, le Château Garreau rayonne et fait la joie de ses visiteurs. Outre un chai souterrain unique dans la région, le domaine s’est ouvert à l’œnotourisme avec l’Écomusée de l’Armagnac, fondé par Charles Garreau en 1986. Dédié à la promotion du terroir, ce lieu de découverte et d’expositions réunit dans une belle harmonie un musée du vigneron et des alambics. Conduits en agriculture raisonnée, les 27 hectares de baco, ugni blanc, colombard et folle blanche, les quatre cépages principaux de l’armagnac, où s’invitent le gros manseng, le sauvignon, le merlot et le cabernet, bénéficient d’un terroir d’exception. Ses sables fauves et son sol limoneux de couleur ocre deviennent une source de vie et d’éléments rares. « Nous visons à réveiller les sens lors de tous les moments de dégustation, précise Carole Garreau-Caillaud, associée gérante. Cela revient à avoir un vrai moment de partage en communion avec la nature qui nous transmet sa force vitale, comme une invitation à la découverte des saveurs du terroir. » Complète, la gamme permet de réaliser de délicieux cocktails, notamment grâce à la Blanche Armagnac et au Bouquet de Vie. Elle s’apprécie également simplement en apéritif sec ou non, en cuisine et bien sûr en digestif pour savourer les arômes plus concentrés d'un vieux millésime par exemple. « L'armagnac rencontre aujourd'hui de plus en plus d'intérêt auprès des amateurs de bons flacons », reprend Carole Garreau-Caillaud. « Il mérite son succès et même plus encore, ce n'est que le début. Sa rareté avec seulement 2500 hectares en production, sa fabrication artisanale, la richesse de sa palette aromatique, ses multiples possibilités de consommation et pour l'instant encore son excellent rapport qualité prix, devraient encore davantage susciter l'intérêt. Ma génération et la suivante travaillent à rajeunir son image en proposant des produits adaptés aux différents moments de consommation, sans pour autant oublier les millésimes, qui font partie de notre patrimoine et de nos traditions ».
Des eaux-de-vie à l’image authentique
Au-delà des restrictions et des idées reçues, la consommation de spiritueux se maintient à un niveau constant avec une offre désormais multiple. L’armagnac, le cognac et le gin séduisent toujours une clientèle en quête d’une consommation raffinée, de découvertes et de substances authentiques.
La famille du Château Garreau.
Il existe de nombreuses façons de les déguster, sur glace, en cocktail, en long drink ou encore à l’apéritif, en digestif, à table en accord avec des mets. « La tendance craft, portée par la mixologie et la génération des millennials, impulse les tendances de consommation », souligne Christophe Veral, président du BNIC. « Cette approche participe à leur succès. Depuis quelques années, il existe une réelle attente des consommateurs pour ces produits artisanaux qui mettent en avant le savoir-faire ». Depuis la crise sanitaire en 2020, les ventes sont reparties à la hausse, grâce notamment au développement de la consommation à domicile. L’année 2024 devrait connaitre un ralentissement général de l’économie mondiale avec un impact sur le marché des spiritueux. Mais une reprise de la croissance des principales catégories du trio armagnac, cognac et gin, laisse augurer des perspectives à long terme plutôt positives, en lien avec un niveau d’exigence des producteurs au service d’une qualité haut de gamme.
Travail au chai du Château Garreau.
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