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Le cidre : une diversité à découvrir
Par Jean-Paul Burias, le 28 janvier 2022
Les cidres s’inscrivent parfaitement dans les modes de consommation actuels. Conviviaux, modérément alcoolisés, peu onéreux et moins soumis aux cérémoniaux qui entourent la dégustation du vin, ils attirent une clientèle élargie. Explications avec 9 grandes cidreries françaises…
A l’ouest de la France, les vergers de Normandie et de Bretagne s’inscrivent dans le paysage. Commencées assez tard - début octobre - cette année, les récoltes de pommes présentent des volumes plus faibles que les années précédentes du fait d’un été maussade et d’aléas climatiques. Une mauvaise nouvelle pour une profession qui, forte de 15 000 emplois et 600 cidreries, a déjà dû faire face à la crise sanitaire et à une baisse des stocks. Ancré dans la tradition française, le cidre possède bien des atouts. Obtenu à partir de la fermentation du jus de pomme, il séduit par ses saveurs et un titre en alcool peu élevé entre 2 et 8 % volume. En France, les vergers de pommiers couvrent le quart de la culture d’arbres fruitiers, soit 35000 hectares dont 9000 consacrées aux variétés spécifiques pour la production. Avec moins de 2 litres par an et par habitant, la consommation en France reste nettement inférieure à celle du vin et de la bière. Cette situation s’explique par une forte saisonnalité. Un pic de vente limité aux fêtes du début d’année et à l’été avec en outre une consommation relativement faible en dehors de la Bretagne et de la Normandie. Face à cette problématique, l’interprofession et plusieurs marques ont déployé des campagnes de communication et d’animations afin de promouvoir le cidre pour élargir le champ des consommateurs. Nous avons rencontré les principaux acteurs de ce marché… pétillant !
La Ferme de la Sapinière : la passion du produit
Thierry Houyel : Michel Legallois dans sa cidrerie.
Près des plages du débarquement et du cimetière américain de Colleville-sur-Mer, les vergers de Philippe et Michel Legallois invitent à visiter la Ferme de la Sapinière. Ces deux artisans du goût produisent depuis 1991 du Pommeau de Normandie, du Calvados, du jus de pomme et bien sûr du cidre. « En agriculture biologique, nos vergers sont constitués de 35 variétés de pommes à cidre différentes », raconte Michel Legallois. « Les cidres sont issus d'une fermentation naturelle en bouteille sans ajout de gaz carbonique avec des cuvées millésimées ». Ici, la relation client est privilégiée. Les ventes à la cave représentent 70% et l’export 4% principalement en Allemagne, en Belgique et au Mexique. Apple Oak est une cuvée issue d'une fermentation naturelle. Les 5 premiers mois d'élevage se font en cuve, puis il fermente dans des fûts de Cognac récents. Ce cidre se caractérise par un équilibre entre tanins fins et acidité, une effervescence délicate et une finale longue sur des notes de vieil alcool.
Cidrerie Kerloïck : des recettes ancestrales.
Loïck Gouret co-fondateur de l’entreprise dans la Goélette Kerloïck, mascotte de l’entreprise.
Loïc Gouret et son épouse Anita ont créé leur entreprise en 1999 avant d’être rejoints par leur fils Jean-Marie en 2016. Cette cidrerie bretonne exploite 40 hectares de vergers bios. Une quinzaine de variétés de pommiers servent à l’élaboration de cidres bruts structurés et aux arômes intenses, et de demi-sec et doux qui se distinguent par leur légèreté et des saveurs fruitées en bouche. « Notre statut de producteur récoltant nous permet de maîtriser toutes les étapes de production », souligne Jean-Marie Gouret. « Tous nos produits fermiers, cidres, jus et spiritueux sont fabriqués sur notre exploitation ». Avec 10% des volumes, l’export tend à se développer grâce au soin apporté aux différentes gammes.
Cidrerie Viard : la force régionale
Un cidre aux accords parfaits.
A trois kilomètres de Bayeux, son centre médiéval, sa cathédrale Notre-Dame et sa célèbre Tapisserie, la Cidrerie Viard figure parmi les plus anciennes exploitations familiales de Normandie. Créée en 1932, elle abrite un superbe corps de ferme du XVIIIe siècle. Dans ce cadre enchanteur, la maison met à l'honneur le terroir normand avec des cidres aux saveurs affirmées. « Nos cidres sont élaborés à partir de pommes récoltées à moins de 60 kilomètres de l’exploitation », explique Vanessa Sagot, responsable commerciale. « Nous sélectionnons les variétés les plus aromatiques et ne pressons que des pommes d'excellente qualité ». Les cuvées Guillaume, Odon et Edouard se caractérisent par une fermentation dirigée avec l’utilisation d’une levure exogène habituellement utilisée dans le vin, qui développe des caractéristiques organoleptiques spécifiques. Des cidres d’exception, que nous avons notés respectivement 93, 92 et 90/100.
Cidrerie Kerisac : un fameux centenaire
Laurent Guillet, Lucile Letort, responsable de la communication et Frederic Frery son bras droit, devant la Kmobile, un camion qui parcourt la région Bretagne pour proposer des dégustations du cidre Kerisac.
Dans la famille Guillet, le savoir-faire et la tradition se transmettent de génération en génération. En 1920, Jean-Edmond Guillet fonde une entreprise autour de la production de cidre avec l’idée de faire rayonner le savoir-faire traditionnel breton au-delà de sa région. Un siècle plus tard, Laurent Guillet son arrière-petit-fils, est le directeur commercial d’une entreprise qui emploie 40 salariés et s’engage dans la préservation des sols et des vergers. « Nos cidres se distinguent par la finesse de leurs bulles, leur fraîcheur et leurs tanins », explique t-il. « Nos assemblages sont réalisés avec des pommes typiques du terroir breton. » Maître de chai, Marion Dubarry signe des cuvées sur la fraicheur et une belle complexité aromatique. La Cuvée spéciale, brut, doux et brut traditionnel, est issue d’un procédé d’élaboration unique avec une longue maturation en cuve qui fait replonger aux sources de la tradition cidrière.
Les Celliers Associés : l’export aussi
Des pommes variées.
Cette coopérative cidricole figure parmi les acteurs incontournables de la filière. En 1953, 12 producteurs de pommes du Val de Rance mutualisent leurs moyens de production et de commercialisation autour d’une passion et d’une exigence de qualité. Sur 5 hectares en bordure de la Rance, Les Celliers Associés mobilisent 355 producteurs adhérents et 115 salariés. Respectueuse de l'environnement, la coopérative est la première en France à être certifiée Haute Valeur Environnementale. Généreux et structurés, les cidres Val de Rance figurent à la carte de nombreux restaurants et dans 50 pays. Ce succès à l’export s’explique. « Nos cidres se caractérisent par leurs goûts typés », analyse Philippe Coignat, directeur commercial export. « Chaque marché a ses préférences et notre maitre de chai Alain Le Page nous permet d'être au plus proche des attentes de nos clients. Par exemple, nos cidres bruts ont une pointe tannique mêlée à une touche d’amertume et rafraîchissante en fin de bouche, grâce à un pommage constitué de pommes douces, douces amères et amères mais très peu acidulées. Il s’en dégage des arômes de fruits mûrs avec des notes végétales et d’épices ».
Les Celliers de l'Odet : les trois frères
Guillaume, Matthieu et Joseph Jan, les trois frères dans le verger.
Ils sont trois, unis par un lien fraternel et une recherche constante de l’excellence. Trois frères, Guillaume, Joseph et Mathieu Jan dirigent Les Celliers de l'Odet. Sur un domaine du XIIIe siècle, le Château Lézergué domine un superbe verger de 35 hectares créé par leur père en 1990. Équilibrés entre sucre et amertume, leurs cidres sont régulièrement primés. « Leur longueur en bouche est très caractéristique », souligne Guillaume Jan. « La puissance des polyphénols de nos pommes les rendent riches et puissants. Suivant nos choix d'assemblages, de variétés et les degrés de fermentations, le cidre peut être sec, minéral, ample et charnu ou doux moelleux et épicé ». Si le cidre brut est le plus apprécié en France, l’extra-brut rencontre un franc succès aux Etats-Unis et le doux au Japon.
Cidrerie de la Brique : au cœur du cidre normand
Le Clos Fleuri en promenade.
Depuis 1953, la promotion du cidre normand s’inscrit dans les gènes de la Cidrerie de la Brique. L’export représente 20% du chiffre d’affaires et une présence dans plus de 20 pays. « Notre objectif est de faire rayonner le cidre normand à l’international », affirme Jean-François Calandot, le président. « Nous travaillons avec 500 producteurs de pommes locaux. Le cidre brut représente 75 % des ventes contre 25 % pour le doux. Certes le marché est en diminution depuis quelques années. Mais on peut louer le rajeunissement opéré en restauration notamment avec une nouvelle clientèle jeune, de nouveaux formats et un marketing plus moderne. Naturel et local, notre produit a toutes les qualités pour performer. Il possède un degré d’alcool faible, tout en étant peu calorique avec un taux de sulfite bas. »
Maison Sassy : la start-up normande
Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren, co-fondateur de la marque de cidres Sassy avec son associé Xavier d’Audiffret Pasquier.
Fondée par Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren et Xavier d’Audiffret-Pasquier, Maison Sassy affiche une croissance exceptionnelle sur le marché du cidre. Lancée en novembre 2014, la start-up normande a multiplié son chiffre d’affaires chaque année pour atteindre plusieurs millions de cols dont la moitié à l’export et se retrouver dans les restaurants gastronomiques et bars à cocktails. « La France et le Royaume-Uni constituent nos deux marchés majeurs », décrypte Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren. « Mais nous sommes présents aussi en Australie, Corée du Sud, Japon et Canada. Nous avons fait le choix de créer un produit moderne adapté à une consommation contemporaine et de casser les codes avec une boisson équilibrée et plus complexe qu’un cidre industriel classique ».
Cidre Le Brun : un savoir-faire familial
Les pommes sont stockées en paloxes afin de garantir et de préserver la qualité du fruit.
Près de l’océan Atlantique, Jean Le Brun a créé cette cidrerie en 1955, reprise en 1991 par son plus jeune fils Dominique. Souvent primée en France et à l’étranger, l’entreprise s’est développée pour devenir la première cidrerie indépendante de France et la troisième en termes de production. « Elaborés de façon artisanale, nos cidres sont 100% pur jus et sans utilisation de concentré », explique Maxime Segard, directeur commercial. « La prise de mousse est naturelle lors du processus de fermentation en cuve. Nos cidres sont non pasteurisés afin de mieux conserver les arômes et les saveurs. La spécificité des variétés de pommes de la région, permet d’utiliser le procédé traditionnel de la clarification des moûts de pomme par gélification des pectines ». Cette méthode réputée optimise la qualité organoleptique des cidres pour le plus grand bonheur des consommateurs.
Une boisson en phase avec son époque
Naturellement, la crise sanitaire et les fermetures des restaurants, un secteur porteur pour la profession, ont fait craindre le pire pour la filière cidricole. Dans un premier temps, les volumes perdus sur ce canal n'ont pas été compensés par la grande distribution, avant toutefois de reprendre. Mais le cidre bénéficie d'un réel engouement auprès d'une nouvelle catégorie d’amateurs et de dégustateurs plutôt urbains et jeunes (entre 25 et 45 ans). Si en France, les consommateurs restent très attachés au vin, à l’export cette tendance semble moins ancrée. « L’état du marché est plutôt bon, soutient un producteur. Si le souhait des consommateurs, suite à la pandémie est de revenir à des valeurs simples et naturelles, le cidre s'inscrit parfaitement dans ces préceptes ». Le plus souvent sans ajout d'ingrédients, avec juste de la pomme fermentée, peu d'alcool et de calories, le cidre offre un beau moment de partage. Il se marie aussi à merveille avec des plats de terroirs normands ou bretons, ou avec différents types de gastronomie dans le monde grâce à sa nature conviviale et décomplexée. Des atouts majeurs, tant en France qu’à l’international…
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