Découvertes

Corse : De fameux rosés

Les rosés de Corse figurent parmi les belles pépites françaises à découvrir. Typiques d’un terroir hors norme, ils possèdent une forte identité aromatique grâce à des cépages autochtones, parfois assemblés à la syrah et au grenache. Face à la rude concurrence de leurs voisins provençaux, ils affichent des qualités remarquables qui ont tout pour séduire à l’export.

L'exceptionnel terroir du Clos Santini

 

L’île de Beauté mérite bien son surnom. Quatrième au classement des îles méditerranéennes, après la Sicile, la Sardaigne et Chypre, elle dévoile des paysages saisissants de variétés et de beauté. Avec une superficie de 8 722 km², elle se dresse au milieu de 1 000 kilomètres de côtes, de plages sableuses ou rocheuses et de magnifiques golfes, comme surveillés par des territoires montagneux où culmine le Monte Cinto du haut de ses 2 710 mètres. Dans cette région privilégiée, les rosés de Corse s’imposent comme une valeur sûre du vignoble français, avec en outre un rapport qualité prix souvent intéressant. L’île vit au rythme des touristes une bonne partie de l’année. Comptoirs et terrasses des cafés s’animent autour d’un bon verre de rosé. Dans ce cadre agréable, ces vins du soleil affichent une production de 50 millions de bouteille par an, soit 70 % des volumes contre seulement 17 % pour les rouges et 13% pour les blancs. Avec un tiers du marché mondial, la France est le premier pays producteur de rosés au monde. Mais si la Provence reste la région privilégiée du rosé avec une longue histoire et un export en progrès constant, les rosés de Corse dévoilent désormais tous leurs atouts pour se faire une place dans un marché mondial de plus en plus porteur.

 

Domaine San Gavino : le respect du terroir

A 1 217 mètres d’altitude en Corse-du-Sud, l’Uomo di Cagna semble observer les vignes du domaine de San Gavino. Impressionnants, ces coteaux argilo-granitiques abritent 2,5 hectares de vignes dans les plaines de Figari, au pied des montagnes et au coeur d'un maquis préservé. Thierry Lebegue et son fils Jules ont renoué avec une production respectueuse des traditions avec des rosés fruités, minéraux et d’une grande diversité, qui offrent un bel écho à ceux de Provence. « Nos rosés sont vraiment différents de ceux de Provence qui sont déjà largement connus en France », remarque Thierry Lebegue. « Les vacanciers sont assez curieux et souvent agréablement surpris par leurs arômes. Nous les vendons essentiellement localement lors de la saison estivale, mais les demandes sur le continent et dans les pays européens se développent ». Le domaine se caractérise notamment par une élaboration à partir de cépages locaux comme le vermentinu, le sciaccarellu, le carcajolo, qui donnent des rosés tendus avec une structure souple. « Le poids des rosés est conséquent pour notre domaine », résume Jules Lebegue. « On voit la volonté des touristes de profiter de leurs vacances avec des produits régionaux et des saveurs corses. Par exemple, le nielluciu convient parfaitement au climat et présente des arômes de petits fruits rouges, d’abricots et d’épices, tout en affichant une grande souplesse. Nous utilisons aussi la syrah qui est un cépage rhodanien. Nous l'avons sélectionné pour sa puissance, ses arômes de violettes et de fruits noirs ainsi que pour son côté poivré en bouche qui donne de la vigueur à la souplesse du nielluciu ». Comme une belle invitation à de beaux moments de plaisirs.

 

Jules Lebegue à gauche, avec son père Thierry.

 

Domaine Montemagni : l’atout Patrimonio

L’histoire du domaine Montemagni symbolise à merveille le cercle vertueux de la transmission. Dès 1850, elle est marquée par l’esprit d’entreprise et le savoir-faire de la famille Montemagni qui a su développer au fil des années les qualités hors norme des vins de Corse au cœur d’un terroir d'exception, entre mer et montagne riche en biodiversité. Figure incontournable de l’appellation Patrimonio, première appellation de Corse attribuée en 1968, Louis Montemagni personnage au caractère bien trempé et à l’esprit en éveil a permis au domaine de se développer dans les années 1970 et d’accéder à une forte notoriété marquée par une grande gamme de rosés. Tourné vers les cépages locaux, le vignoble de 81 hectares en agriculture biologique décline 38 hectares de nielluccio, 15 de vermentinu, 11 de grenache, 7 de muscat à petit grains et 10 de sciaccarellu, merlot et muscat d’Alexandrie. « Les cépages identitaires de nos rosés leur confèrent des arômes et des goûts uniques, en termes de complexité et de fraîcheur », analyse Aurélie Melleray, œnologue et ingénieur agronome. « Par rapport aux rosés de Provence, ils se démarquent par un équilibre particulier et une vraie typicité, marquée par une forte demande, comme sur les cuvées concentrées de niellucciu, très  gastronomiques et celles de sciaccarellu, élégantes et parfaitement digestes. »

 

Mélissa Montemagni, fille de la propriétaire.

 

Vendanges au domaine Montemagni.

 

Ile de rosé : un petit nouveau qui a tout d’un grand

Lancée en 2021, la cuvée Ile de Rosé séduit déjà sa clientèle avec 10 000 bouteilles l’an dernier et un objectif du double cette année. Bâti par le Conseil interprofessionnel des vins (CIV) de Corse, ce projet d’un nouveau rosé haut de gamme en Indication géographique protégée (IGP) Île de Beauté s’inscrit dans une démarche collective des viticulteurs corses avec l’implication forte de la coopération insulaire. Avec 60% dans l’assemblage, le cépage local sciaccarellu est à l’honneur, complété du niellucciu et du grenache, qui aboutissent à un rosé clair, fruité, épicé et gourmand. Une attention particulière a été apportée au packaging. Avec un verre très blanc qui met en valeur la couleur et la qualité de la cuvée, la bouteille spécifique siglée Corse s’accompagne d’une carte en relief de l’île et d’un bouchon en liège local. « Cette approche est optimisée par une sélection des meilleurs raisins afin de positionner cette cuvée sur une gamme premium tout en assurant des volumes importants et homogènes », analyse Caroline Franchi, directrice marketing et communication du CIV de Corse. « Cette démarche éco-responsable se traduit par des engagements communs concrets, comme la diminution des traitements de synthèse, une réduction des sulfites de 40%, une utilisation de consommables biodégradables et un traitement sélectif des déchets. L’objectif est de matérialiser la différence, avec un vin à la fois garant de la typicité des rosés insulaires et capable de se distinguer de l’offre actuelle ». Le contrat est parfaitement rempli. Après deux millésimes, Ile de Rosé a su évoluer et développer sa capacité de commercialisation pour trouver des débouchés porteurs en France métropolitaine et à l’export.

 

Guy Mizael des Vignerons Corsicans.

 

André Casanova, les Vignerons d'Aghione.

 

Eric Poli, président du Conseil interprofessionnel des vins de Corse.

 

Clos Santini : entre mer et montagne

Au pied du Cap Corse, le Clos Santini se niche au cœur de la Corse schisteuse du nord-est de l'île. Au cœur de la commune de Patrimonio, le domaine couvre 40 hectares, dont deux de niellucciu plantés cette année en avril. Actuel propriétaire, petit-fils du vigneron Louis Montemagni et fils du négociant Toussaint-Mathieu Santini, Franck Santini est l’héritier d’une grande exploitation familiale créée en 1850, certifiée en agriculture biologique depuis 2012. « Nos vignes sont situées sur un sol argilo calcaire et sont entretenues en bio, avec des vendanges manuelles sans traitement chimique », explique-t-il. « Toutes les parcelles de vignes en coteaux sont situées dans l’aire d’appellation Patrimonio, un terroir de plaquages calcaires, mêlés à des argiles, des schistes et des silices ». Ce savoir-faire offre de superbes déclinaisons dans les trois couleurs, d’où émerge notamment la cuvée Clos Santini Rosé AOC, un assemblage de 75% de niellucciu et  de 25% de grenache noir, à la robe rose pâle et aux belles notes de fruits frais.

 

Franck Santini le propriétaire lors des vendanges.

 

Domaine de Tanella : une histoire familiale

Au domaine de Tanella, on sait partager son savoir et ses connaissances en famille. Après avoir appris le travail de la vigne auprès de son père Marc-Aurèle, Jean-Baptiste de Peretti della Rocca a pris en 1975 la tête de ce vignoble familial créé à la fin du XIXe siècle au cœur du village de Poggiale à seulement trois kilomètres de la mer Méditerranée. Il exploite aujourd’hui ce domaine de 80 hectares d’un seul tenant, avec ses enfants Alexandra et Marc-Aurèle. A son tour, il a su transmettre sa passion et son envie de créer et d’innover, tout en respectant la tradition et une rigueur dans la vinification et l’élevage de chaque millésime. Les cépages locaux sont privilégiés dans l’élaboration de rosés de caractère et structurés en mono-cépage avec le sciaccarello qui apporte finesse et élégance et le nielluccio qui dévoile force et puissance. « Face à la concurrence provençale, les rosés de Corse bénéficient d’une belle image en lien avec tous les attraits de l’île », remarque Alexandra. « Les rosés représentent la moitié de notre production. Mais on constate un regain d’attractivité pour les blancs, avec une forte augmentation des demandes depuis quelques années ». Egalement éleveur de brebis corses, le domaine produit ainsi des fromages fermiers. La richesse du terroir dans lequel le cheptel évolue et se nourrit permet d’obtenir un lait aux saveurs remarquables qui, aux côtés des rosés maison reflètent tour le savoir-faire et le sens des traditions locales.

 

Alexandra de Peretti della Rocca avec son père Jean-Baptiste. 

 

Alexandra de Peretti della Rocca et son frère Marc-Aurèle.

 

Jean-Baptiste de Peretti della Rocca lors de vendanges.

 

Une image à faire évoluer

Les rosés de Corse symbolisent l'art de vivre d’une région privilégiée qui bénéficie d’une diversité géologique et de cépages locaux remarquables. Dans une tendance de consommation autour de vins faciles à boire, aromatiques et au plaisir immédiat, ils se distinguent par leur légèreté et leur fraicheur qui les rendent faciles à déguster en toutes occasions. Longtemps marqués par un déficit de notoriété, ils bénéficient aujourd’hui du travail et du savoir-faire de viticulteurs passionnés qui ont su développer leur offre et monter en gamme. Désormais, au vin de pays à petit prix s’ajoutent de belles perles de terroir, à faible rendement, très travaillées grâce à une parfaite maîtrise des techniques de vinification. Comme une ouverture sur le monde, ces rosés suggèrent de beaux accords avec les cuisines thaïlandaises, japonaises, indiennes ou encore avec des tajines marocains. Par ailleurs, ils bénéficient de l’attrait d’une région réputée pour sa beauté, bien relayé par une communication et un marketing dynamique qui mettent en avant un habillage moderne et parfois surprenant. Seule ombre au tableau, une consommation encore trop périodique et ciblée. En France, le rosé est encore trop souvent associé à l’été et à un vin facile, désaltérant, alors qu’il peut aussi être un vin de gastronomie à accorder à des mets raffinés tout au long de l’année. Une vision plus globale, qui laisse entrevoir l’opportunité d’un formidable marché à développer avec de belles perspectives à l’export.