Découvertes

Bières de France : une explosion de marques et de styles

De très nombreuses microbrasseries ont été créés en France ces dernières années. Ces petites entreprises se placent au cœur d’un marché détenu par des grands groupes internationaux et quelques brasseries historiques. Un phénomène qui s’inscrit dans les nouvelles tendances de consommation avec une multitude de références, de couleurs et de fermentation. Explications…

Dégustation lors du Lille Terroir Festival.

Dégustation lors du Lille Terroir Festival.

 

 

Les bières se distinguent par une large palette de couleurs et de goûts pour le plus grand plaisir des amateurs. Dans un marché rendu difficile par la baisse de la consommation d’alcool, elles présentent le double avantage de peu titrer, tout en conservant un prix abordable. Globalement la baisse des volumes s'accompagne d'une demande de qualité supérieure. Dans ce contexte, de nombreuses brasseries locales ont vu le jour un peu partout en France, portées par l’enthousiasme et la créativité d’entrepreneurs passionnés. La bière affiche son identité régionale et dans une démarche audacieuse fait le lien avec les terroirs. Pour autant, confrontées à une situation économique inédite et complexe, les brasseries françaises subissent de plein fouet l’inflation. Une brasserie sur dix déclare envisager une fermeture définitive cette année, comme le révèle une enquête réalisée par Brasseurs de France et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) dévoilée le 16 mai dernier. Dans un marché complexe, les brasseurs doivent faire face à une hausse de leurs coûts de revient, les prix des intrants, des emballages, des matières premières, du transport et de l’énergie atteignant des niveaux élevés. Malgré ce contexte difficile, plusieurs brasseries embauchent et investissent dans leur outil de production afin de soutenir leur développement et leur capacité d’innovation dans un marché tout de même porteur. Par sa créativité et son exigence, la filière brassicole représente désormais un acteur fort du marché des boissons. En voici quelques exemples.

 

 

Brasserie Lilloise : la belle aventure

Au cœur de la métropole du nord de la France, la Brasserie Lilloise revendique ses valeurs écologiques avec des matières premières locales dans trois gammes. Emblème de la marque, Lydéric est élaboré avec des baies de genévrier locales ajoutées en ébullition. Blanche, blonde ou rouge, cette bière refermentée en bouteille fait la joie d’une clientèle gastronome qui apprécie les accords mets et bières. Certifié bio, Phinaert impose son caractère avec une plus haute teneur en alcool et des houblons typés américains qui donnent un aspect fruité. Dans une démarche écoresponsable et zéro déchets, Achille utilise des invendus de pain qui remplacent une partie du malt lors de la fabrication. « Tous nos produits sont fabriqués de manière artisanale, dans le respect de la tradition et en favorisant les matières premières locales », analyse Olivier de Brueker, président. « La brasserie est attachée à ces valeurs dans le respect du produit et d’un savoir-faire ancestral. Nous avons la volonté de toucher un public large avec un éventail diversifié pouvant correspondre à tous les goûts en termes de degrés d’alcool et de style ». La communication a été construite via les réseaux sociaux, les salons et les concours afin d’augmenter la visibilité de la marque.

 

Simon, Angélique et Jonas, les trois brasseurs.

Simon, Angélique et Jonas, les trois brasseurs.

 

 

Olivier de Brueker, président de la Brasserie Lilloise.

Olivier de Brueker, président de la Brasserie Lilloise.

 

 

Artemus : les bières d'Île de France

Depuis 2015, la microbrasserie Artemus fait le bonheur de ses clients. Ingénieur des Arts et Métiers, Laurent Laloue a créé près de Paris cette marque devenue référence qui décline plusieurs recettes originales pour de saisissantes sensations aromatiques. « Nos bières se caractérisent par leur originalité gustative », explique-t-il. « L'objectif est de surprendre le buveur, de lui faire découvrir quelque chose de nouveau grâce à leurs qualités techniques : mousse, pétillance, amertume, régularité, arômes, couleur, brillance, et surtout leur conservation ». Pour autant, la concurrence a beaucoup évolué ces quatre dernières années. Le marché s'est structuré et les brasseries ont dû fidéliser leur clientèle. « C'est moins un marché de conquête », reprend Laurent Laloue. « Des industriels se sont lancés dans une démarche où ils cherchent à donner un côté artisanal et ont racheté des brasseries de spécialité pour investir le marché européen. Depuis peu, tous les acteurs connaissent la bière artisanale. Les consommateurs sont réceptifs à nos produits et ont conscience de mieux consommer ».

 

L'équipe de la brasserie artisanale Artemus.

L'équipe de la brasserie artisanale Artemus.

 

 

Brasserie du Castellet : un parfum de Provence

Connue dans le monde entier pour ses rosés, la Provence recèle d’autres délicieuses boissons élaborées dans une région magnifique. Près du village du Castellet dont elle a pris le nom, la Brasserie du Castellet conçoit, fabrique et conditionne l'intégralité de ses bières dans ses locaux dans une démarche écoresponsable. Entre houblon mistral et romarin des collines, les matières premières sont sélectionnées avec soin. Les céréales d’orge et de blé sont sourcées en France. L’épeautre qui pousse sur les terres du Vaucluse est broyé par un moulin des Bouches-du-Rhône. La coriandre et l’écorce d’orange proviennent de la région. La brasserie s’est dotée d’une station d’épuration des eaux usées qui assure la maîtrise de ses rejets. La drêche, le résidu de l’orge après soutirage du moût, est donnée à un agriculteur local qui l’utilise pour nourrir ses bêtes. « La brasserie a été créée en 2018 avec l’objectif assumé de cultiver notre identité provençale », souligne Vanessa Cesari, responsable marketing. « Notre gamme Fada se caractérise par des recettes originales avec les bières Fada Blonde, Blanche, IPA, Triple et Abricot. La Fada Blonde est brassée avec un mélange d'épeautre provençal et de malt d'orge. Cette lager exprime pleinement le cœur aromatique frais et floral du houblon Mistral. » Ses notes maltées s'équilibrent autour d'une amertume fine et légère, très appréciée ».

 

L’équipe de la Brasserie du Castellet.

L’équipe de la Brasserie du Castellet.

 

 

Kiara La Petite Brasserie de Corse : la bière de l’Ile de Beauté

En seulement quatre ans d’existence, la Petite Brasserie de Corse s’est imposée dans l’Ile de Beauté. Cette brasserie a été créée en février 2019 sous l’égide de Ghjuvan Petru Pieri. Ce jeune brasseur a grandement participé à l’évolution de la structure, le propriétaire étant Jean-François Renucci, à la base vigneron et propriétaire du domaine viticole Terra Vecchia et Clos Poggiale. Le nom de la bière Kiara évoque celui d’une nymphe née près d’un étang proche. Des siècles plus tard, la brasserie cultive l’authenticité de la tradition, tout en gardant un esprit innovant et en insufflant un zeste de modernité, symbolisé par des outils de pointe pour la production. « La Kiara est élaborée à partir d'agrumes provenant de nos propres vergers, citrons, clémentines et cédrats », témoigne Anouk Basille, chargée de communication et développement packaging. « Nous avons mis en avant une façon de faire locale et artisanale, tout en axant notre communication sur une bière, jeune, colorée, dynamique et lifestyle avec un packaging qui plait et des saveurs originales qui attisent la curiosité ». Malgré la profusion de marques sur le marché, Kiara a développé sa notoriété dans une époque où le consommateur est de plus en plus à la recherche de produits locaux et se désintéresse du côté industriel.

 

La guinguette de la bière Karia.

La guinguette de la bière Karia.

 

 

L'Eurelienne : de l’orge à la bière

L’Eurélienne fait partie de ces jeunes brasseries françaises née au XXIe siècle. Son histoire commence en 2005. A seulement 23 ans, Vincent Crosnier se lance dans la fabrication de bières artisanales à partir de l’orge cultivée dans la ferme familiale. Dans son petit atelier installé dans une étable, le jeune brasseur transforme l’orge en bière. La microbrasserie rencontre sa clientèle grâce à un excellent bouche à oreille et des retours de dégustations positifs lors des marchés de producteurs. La cathédrale de Chartres et les champs d'orge deviennent l'effigie de la marque. En 2012, la capacité de production est augmentée avec de nouveaux bâtiments et un matériel performant de brassage et d'embouteillage. « Nous avons développé une véritable ferme brasserie dont la spécificité est d’utiliser au maximum l'orge issue de nos champs pour la production », note Vincent Crosnier. « Nos céréales apportent une certaine douceur et une identité propre ». La bière bénéficie d’une seconde fermentation en bouteille. « L'Eurélienne est une bière de garde naturelle qui contient des ingrédients simples, de l’eau, de l’orge, du houblon, des levures et des ingrédients naturels pour agrémenter la fabrication », reprend Vincent Crosnier. Avec un nom évoquant son département d'origine, la bière artisanale devient un produit emblématique du terroir pour les locaux comme pour les touristes de passage. »

 

La famille Crosnier de la Brasserie Eurelienne

La famille Crosnier.

 

 

L'Eurélienne

L'Eurélienne, bière

Brasserie Rull : la bière du Canigou

Près de la frontière espagnole, la brasserie Rull réussit une superbe alchimie entre le savoir-faire d’une passionnée de biérologie et un mélange subtil d'ingrédients. Dans le prolongement de paysages et d’une nature exceptionnelle, la bière est brassée de façon artisanale avec des céréales et des houblons issus de l’agriculture française. « Les bières sont brassées avec l'eau du Canigou, la montagne sacrée des catalans », précise Stéphanie Rull, propriétaire. « Elles ne contiennent ni stabilisateurs, ni colorants, ni conservateur

s, mais seulement des éléments naturels comme le malt d’orge, le houblon et la levure ». La recette est gagnante avec une activité en plein essor. Stéphanie Rull a même monté une guinguette sur son site de fabrication afin de valoriser encore plus des produits attractifs au cœur d’un marché très dynamique.

 

La croix du Pic du Canigou.

La croix du Pic du Canigou.

 

 

Stéphanie Rull dans la salle de brasserie.

Stéphanie Rull dans la salle de brasserie.

 

 

Brasserie du Sancy : la bière des volcans

Du haut de ses 1886 mètres d'altitude, le plus haut volcan de France métropolitaine méritait bien de donner son nom à une bière qui atteint des sommets. La méthode de fabrication de la Brasserie du Sancy est 100% malts, sans sucres ajoutés, sans colorants, sans arômes artificiels, non filtrée et non pasteurisée. Les bières présentent un nez céréalier marqué où les houblons sont présents sans attaquer le palais par un excès d'amertume. « Nous sommes attachés à un goût accessible au plus grand nombre », résume Nicolas Dauchy, propriétaire. « Le degré d'alcool est plutôt faible par rapport aux mêmes bières concurrentes. Notre crédo est d’élaborer le meilleur goût au meilleur prix ». Bien implantée dans sa région, la Brasserie du Sancy développe ses ventes en France, à l’export et même dans des restaurants gastronomiques. « Le marché s'est développé très rapidement et avec énormément de profils de créateurs différents », reprend Nicolas Dauchy. « La rationalisation de la filière, la professionnalisation, la compétition entre brasseries et l’exigence des clients nous poussent à nous améliorer continuellement ».

 

Nicolas Dauchy, propriétaire de la Brasserie du Sancy.

Nicolas Dauchy, propriétaire de la Brasserie du Sancy.

 

 

Les marques locales de plus en plus appréciées

Avec ses innombrables personnalités, la bière offre un ensemble remarquable de saveurs et de fraicheur. Son univers répond aux exigences d’une clientèle jeune et urbaine avec des prix modérés, un taux d’alcool mesuré et des produits marketés et attrayants. L’émergence de microbrasseries un peu partout en France ouvre de nouvelles perspectives de choix et de découvertes avec toute la force de proposition d’un terroir ou d’une région. Les brasseries indépendantes ont par ailleurs ouvert le segment des bières peu alcoolisées ou aromatisées, tout en gardant les bases de produits puissants en goût mais digestes et faciles à boire. Elles ont su gagner leur place près des géants du marché comme Kronenbourg, 1664, Grimbergen, Heineken, Stella Artois, Leffe, ou encore Hoegaarden. L’attractivité de la fibre régionale s’accompagne d’une belle image de marque. Ce segment se développe avec une évolution comparable à celle de l’univers du vin. Les consommateurs boivent moins, mais cherchent le plaisir avec une bière qui a du goût et du caractère. « Le marché est très concurrentiel », observe Olivier de Brueker, président de la Brasserie Lilloise. La demande a largement augmenté avec un nombre de création de brasseries impressionnant. Mais il existe une attractivité constante sur le marché. Depuis dix ans, la consommation évolue et montre une vraie opportunité pour les bières artisanales avec toutefois le respect de la tradition et une offre différente de ce que propose les grands industriels. C’est un atout capital…