Terroirs

Val de Loire : l’univers méconnu des demi-secs

Connu et reconnu, Vouvray rayonne dans la galaxie des vins de Loire. Cette immense région viticole présente aussi la particularité de produire des vins à sucre résiduels plébiscités par la clientèle actuelle. Tendances, le cabernet et le rosé d’Anjou s'imposent comme les rosés les plus exportés de la région. Un franc succès pour trois demi-secs d'exception...

Capricieuse et sauvage, la Loire aiguise les regards et marque les esprits au gré de ses débordements, de ses crues et de ses étonnants bancs de sable. Au milieu de paysages à la lumière presque parfaite, de châteaux et de monuments historiques somptueux, une partie des 1006 kilomètres du plus long fleuve de France s’inscrit au cœur d’un vignoble qui, fort de terroirs d’une diversité exceptionnelle, décline plus de 80 appellations en vins rouges, rosés, blancs secs, liquoreux, pétillants et crémants. A cette liste, s’ajoutent les discrets demi-secs qui connaissent un succès remarquable en France et à l’export tant en blanc qu’en rosé. Cet engouement s’explique notamment par les caractéristiques des terroirs et de cépages particuliers, cabernet franc, cabernet sauvignon, côt, gamay, grolleau, grolleau gris et pineau d'Aunis pour le rosé d’Anjou, cabernet franc et cabernet sauvignon pour le cabernet d'Anjou et chenin pour le Vouvray. Ces atouts de choix s’accompagnent d’un savoir-faire et de méthodes d’élaboration maitrisées. Pour obtenir le meilleur équilibre d’un vin marqué par une certaine sucrosité naturelle du raisin, il faut de la fraicheur et de l’acidité. Sans cette acidité, le sucre prend le pas sur le vin qui perd en buvabilité, ce qui est le cas avec le cabernet franc qui préserve cette acidité. Pour les demi-secs blancs, le chenin se caractérise par une acidité et une fraicheur remarquables. « Le vignoble est situé sur la partie nord de la France, ce qui en terme de météorologie implique des nuits fraiches et des étés moins chauds », analyse Pierre-Jean Sauvion, président de la commission communication de l’interprofession des vins du Val de Loire (InterLoire) et par ailleurs œnologue pour la Maison Sauvion. « Ces conditions climatiques permettent de façonner des vins avec une vraie fraicheur, les fortes chaleurs ayant pour conséquence de dégrader l’acidité dans les vins. ». Voici quelques pépites du Val de Loire qui démontrent aisément que le sucre résiduel peut être un atout inestimable.

 

Famille Bougrier : l’histoire en héritage

 

Gwénaël Guihard, oenologue aux Caves de l'Angevine, Famille Bougrier et Nicolas Bougrier. 

 

Gwénaël Guihard, oenologue aux Caves de l'Angevine, Famille Bougrier et Nicolas Bougrier. 

 

La Famille Bougrier aime et défend le nom de son domaine. Il symbolise en effet parfaitement une activité transmise au fil des ans avec passion et talent. Depuis 1885 et 6 générations, la Famille Bougrier déploie son souci d’exigence et d’excellence dans ses vignobles et son activité de négociant éleveur vinificateur. En 1988, Noël Bougrier, cinquième génération de vignerons arrive à la tête de la maison familiale et lui donne une nouvelle dimension. Il élargit la couverture du domaine à l’ensemble de la Vallée de la Loire avec les créations successives de trois caves en Touraine en 1995, en Anjou en 2000 et dans le Muscadet en 2008. Ces outils de vinification favorisent la production de belles appellations et notamment de demi-secs d’une intense fraicheur et d’une grande finesse aromatique. Noël Bougrier voit l’arrivée de son fils Nicolas en 2015 pour la partie vinification, puis de sa fille Sophie, responsable marketing et communication. « Nous avons la chance dans la Vallée de la Loire de pouvoir proposer une grande diversité de vins, blancs, rosés, rouges et des fines bulles allant du sec au moelleux », souligne Nicolas Bougrier. « Notre force est notre terroir qui donne une trame commune à tous nos vins et une fraicheur qui fait notre identité ». Primordiale au sein du domaine, l’appellation Vouvray est à l’origine du succès des vins tranquilles à l’export sur un style tendre juste en dessous du profil demi-sec au niveau du sucre résiduel. Le domaine a développé de nouvelles cuvées pour couvrir l’ensemble des palettes du chenin blanc avec des vins secs, demi-secs, tendres, moelleux et depuis quelques années une petite cuvée en Vouvray effervescent. « Pour nos rosés et cabernet d’Anjou, notre dynamique s’est accéléré en 2000 lorsque nous avons créé notre vendangeoir des Caves de l’Angevine », souligne Sophie Bougrier. « Avec notre équipe, nous avons travaillé millésime après millésime pour faire évoluer nos styles avec le meilleur équilibre entre l’acidité, la fraicheur et le fruit. Un marché français historique très important continue d’exister. Mais à l’export, on observe également une vraie légitimité pour cette identité Anjou qui a su se faire une place dans le monde. »

 

Domaine Delaunay : au paradis des rosés d’Anjou

 

les associés du Domaine Delaunay

les associés du Domaine Delaunay exploitation familiale depuis 4 générations : Pascal et Marie-Céline et Alain.

 

A Montjean-sur-Loire, la vie a longtemps adopté le rythme du fleuve et d’une activité qui en a fait le premier port de la Loire au XIXe siècle. A cette époque, la culture du chanvre et la production d’une vingtaine de fours à chaux nécessitaient un transport par bateaux soutenu. Ce village typique des bords de Loire accueille depuis quatre générations le Domaine Delaunay sur 57 hectares d’un terroir d’exception dans une mosaïque de sols et reliefs portés par un climat océanique favorable. Le bon ensoleillement et les faibles écarts thermiques favorisent une grande diversité de vins. Ces atouts naturels confèrent aux demi-secs une fraîcheur, un fruité et une rondeur remarquables. « Nous recherchons pour nos demi secs, un fruité avec une légère acidité afin d’obtenir un rosé frais, tendre mais pas trop doux », souligne Marie-Céline Boré-Delaunay, une des trois associés du domaine avec ses frères Alain et Pascal Delaunay. « Le ramassage avant la sur-maturité permet de garder la fraicheur et le fruit, tandis que la vinification en thermorégulation préserve les fruits et évite l'oxydation ». Côté cépages, le cabernet franc utilisé pour le cabernet d'Anjou est accompagné du grolleau et du gamay pour le rosé d’Anjou.

 

Vignoble Pin : le chenin en majesté

 

Ludovic Pin

Ludovic Pin

 

Au cœur de l’Anjou, les coteaux pentus dévoilent la pureté d’un superbe terroir de 50 hectares. Ici, cette famille de vignerons cultive l’art de l’excellence depuis quatre générations. « Les demi-secs à base de chenin ne se caractérisent pas par leur grande minéralité », note Ludovic Pin. « La date de vendange est la clé pour obtenir des vins d'une finesse aromatique et d'une teinte qui leur procurent une belle fraicheur autour des cépages sauvignon et cabernet franc pour les rosés et chenin pour les blancs demi-secs. Si les vins sucrés sont boudés par les consommateurs, les vins ronds, fruités avec une belle fraicheur sont fortement demandés. » Cet engouement est porté par la situation géographique du vignoble qui limite les fortes chaleurs qui dégradent l'acidité et par un terroir argileux et schisteux qui apporte de la fraicheur.

 

Château La Varière : fleuron d’Anjou

 

Christophe Gagneux : David Grellier, directeur technique du Château La Varière.

Christophe Gagneux : David Grellier, directeur technique du Château La Varière.

 

Niché dans la vallée des rois, le château La Varière affirme l’excellence d’une des propriétés les plus anciennes d’Anjou depuis le XVe siècle. Ce vaste vignoble de 150 hectares appartient à Orchidées Maisons de Vin, implanté à travers ses Maisons, Domaines et Châteaux tout au long de la Loire. Le Château la Varière décline de formidables flacons sur les appellations Anjou, Anjou-Villages Brissac, cabernet et rosé d’Anjou, rosé de Loire, Coteaux de l’Aubance, coteaux du Layon, Bonnezeaux et Quarts de Chaume. « Notre challenge consiste à valoriser et à participer à la reconnaissance des vins du Val de Loire en France comme à l’export, avec le développement d’une offre haut de gamme qui comprend notamment les demi-secs explique David Grellier directeur technique du château. Les cépages principaux, cabernet franc, cabernet sauvignon et chenin, concourent à l’élaboration de demi-secs typiques et remarquablement attractifs. » Certifié Haute Valeur Environnementale de niveau 3, ce domaine d’excellence contribue à la renommée des vins d’Anjou en France et dans le monde dont le succès s’explique notamment par un fameux cabernet planté sur les graves d’Anjou.

 

Domaine Boutet-Saulnier : des demi-secs historiques

 

Christophe et Astrid Boutet

Christophe et Astrid Boutet

 

Au cœur de la vallée Chartier à l’est de Vouvray, cette propriété couvre 13 hectares. À sa tête depuis 1997, Christophe est rejoint par son épouse Astrid en 2012. En troisième année de conversion vers l'agriculture biologique, ces deux passionnés élaborent deux demi-secs, les cuvées Harmonie et Le Clos Dubois, sur une des parcelles emblématiques du domaine où les sols sont travaillés avec un cheval de trait depuis 9 ans. « Le demi-sec est un vin historique de l’appellation Vouvray », précise Christophe Boutet. « Avec 15% du chiffre d’affaires global, il est intéressant pour aborder avec facilité le chenin. Les sucres résiduels varient selon le millésime de 16 à 23 grammes, avec une recherche de l'équilibre sucre et acidité ». Pour Astrid Boutet, « le demi-sec est particulièrement intéressant au niveau culinaire tant les accords sont nombreux avec la charcuterie, les viandes blanches, les fromages ou encore la cuisine épicée et sucrée salée ».

 

Domaine du Buisson : le charme de l’Anjou

 

Nicolas Sécher dans ses vignes.

Nicolas Sécher dans ses vignes.

 

Sur la route des vins et villages de l'Anjou, les coteaux adossés à la Loire accueillent les vignes de cabernet franc et cabernet sauvignon du Domaine du Buisson. Depuis un siècle, le domaine dévoile une subtile vision gourmande du cabernet d’Anjou. A la pointe de la technologie, la propriété dispose d’un chai équipé de cuves thermo régulées qui optimisent le travail au moment des vinifications et d’une inertie thermique qui facilite l’élevage. « Au domaine du Buisson, nous produisons deux cuvées en rosé », témoigne Nicolas Sécher. « Elevé sur un sol argilo-calcaire, le rosé d’Anjou est un gamay aux fines notes florales et de fraises et de mûres. Avec sa robe soutenue portée par de jolis reflets saumonés, le cabernet d’Anjou est marqué par des notes d’agrumes et de framboises. Ces deux cuvées sont très demandées, notamment à l’export ».

 

Domaine des Aubuisières, Bernard Fouquet : des demi-secs souples et soyeux

 

vinifications et élevages en barriques pour une gamme de vins

vinifications et élevages en barriques pour une gamme de vins, Le Marigny sec, le Plan de Jean moelleux et la cuvée Alexandre liquoreux.

 

Une nouvelle page pleine de promesses s’est ouverte ici cette année. Depuis son arrivé en 1983, Bernard Fouquet a fait de ce beau domaine familial de 30 hectares une référence des Vouvray. Le 1er août dernier, Charles Lesaffre s’est associé avec Bernard Fouquet. « Le chenin permet de trouver un équilibre souple et soyeux entre le sucre présent dans nos vins et l’acidité due au cépage et aux terroirs argilo-siliceux », explique-t-il. « Nous obtenons grâce à cela des vins frais, fruités avec une belle tension ». Le domaine a parfaitement intégré les nouvelles habitudes de consommation qui se resserrent autour de cuvées avec un peu moins de sucre que les demi-secs auparavant en vogue. « La culture du healthy pousse les consommateurs à être plus attentif à la concentration en sucre », reprend Charles Lesaffre. « Nous proposons donc maintenant des Vouvray secs et tendres avec un petit peu de sucre résiduel. Le gras présent naturellement dans le chenin permet d’adoucir cette absence plus importante de sucre. » Ce nouvel équilibre plus tendu est très apprécié à l’export, avec une belle progression des ventes notamment au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Canada.

 

Domaine Loizeau-Clain : un beau trio

 

le hotteur décharge la vendange avec délicatesse dans la remorque.

le hotteur décharge la vendange avec délicatesse dans la remorque.

 

Ils sont trois à unir leurs efforts et leur savoir-faire pour mettre en avant les vins du Val de Loire et notamment les demi-secs. Thierry et Dominique Loizeau et Anthony Clain sont les trois gérants du Domaine Loizeau-Clain. Niché en limite des appellations Anjou-Villages-Brissac et Saumur, ce domaine incontournable dans la région produit notamment un superbe cabernet d’Anjou Les Jauraux. « C’est un cabernet franc à la robe d’un rose cuivré pâle », décrit Thierry Loizeau. « Il se caractérise par un nez pimpant de petits fruits rouges mûrs et d'épices fines ». A la dégustation, ce rosé croquant et équilibré séduit par son attaque gourmande sur le fruit et sa bouche vive, fraîche et plutôt légère. Bien dans l’air du temps, cette cuvée de l’excellence s’avère parfaite pour un apéritif entre amis ou en accord avec de nombreux plats dans un menu gastronomique.

 

Des vins dans l’air du temps

Ancestraux, les demi-secs du Val de Loire répondent aussi parfaitement aux attentes des consommateurs d’aujourd’hui, avides de vins généreux, conviviaux et agréables à boire. Selon OpinionWay, les exportations continuent de se développer avec 20% des ventes, notamment sur les trois marchés principaux : États-Unis, Royaume-Uni et Allemagne. Cette perception de la qualité de la production s’accompagne d’une bonne connaissance des trois appellations Vouvray, Cabernet et Rosé d’Anjou par les professionnels étrangers. « A l’origine, le marché français connaissait principalement Vouvray pour ses fines bulles tandis que les vins tranquilles partaient à l’export », note Nicolas Bougrier directeur général du domaine Bougrier. « Aujourd’hui, nous vendons ces deux catégories en France comme à l’étranger. Le chenin blanc est un cépage très à la mode depuis dix ans et je ne pense pas que cela changera ». Ces atouts devraient permettent aux demi-secs régionaux de se développer encore plus sur les marchés export. « Ce succès s’explique par la qualité des opérateurs ligériens, qui sont des viticulteurs et des vinificateurs de talent », résume Pierre-Jean Sauvion. « Il y a eu au fur et à mesure des années, un travail important sur l’équilibre et on parle plus de fruit et de gourmandise que de sucrosité ». Portés en outre par un bon rapport qualité prix et un accès facile, ces vins plaisent en toutes occasions : à l’apéritif, à l’improviste, autour de plats épicés ou de mets gastronomiques, ou encore d’assiettes gourmandes dans les bars à vins. Des facultés d’adaptation qui n’ont pas de prix à notre époque !