Terroirs
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Les Bordeaux 2021 : un immense puzzle
Par Sylvain Patard - Photographies : fournies par les domaines, le 05 septembre 2022
Ce millésime a connu, on le sait, une genèse très perturbée et la Gironde a cumulé une série d’événements climatiques qui ont pesé grandement sur le bon déroulement du cycle végétatif, les maturités, les rendements… Après de féroces gelées printanières, ce furent de terribles attaques de mildiou, puis un été frais et bien peu ensoleillé, sauvé par une arrière-saison plus clémente. Bref, un énorme travail dans les vignobles et une période de vendanges plus favorable ont permis de produire des vins corrects, quelquefois même grands, avec quand même une hétérogénéité importante d’une appellation à l’autre, voire d’une propriété à l’autre.
Les Premiers Grands Crus Classés 2021
Des réussites diverses selon les situations locales, mais des vins dont les meilleurs débordent toujours de personnalité, en particulier deux pauillacs, nettement un cran au-dessus cette année :
98/100 Château Lafite : nez élégant s’ouvrant lentement sur des tonalités minérales-boisées et fruits noirs. En bouche une ampleur incroyable, des tanins racés et une grande rigueur mêlée d’élégance. Un très bon millésime de Lafite.
98/100 Château Mouton-Rothschild : nez envoûtant de fruits noirs, de bois exotique, riche et élégant à la fois. La bouche est tout autant dense que caressante, les tanins sont d’une incroyable maturité et l’ensemble dégage une impression de sérénité apaisante. Un grand mouton.
96/100 Château Margaux : boisé présent mais élégant. Fruit mûr en retrait. Même générosité en bouche avec beaucoup de mâche. Le bois est racé et le fruit s’exprime déjà joliment. Beaucoup de fraîcheur. Plus que jamais un millésime de cabernet.
95/100 Château Haut-Brion : nez fruité et boisé discret. Beaucoup d’ampleur en bouche, la puissance s’installe ensuite dans un registre dense et harmonieux à la fois. Belle sélection, mais sans la magie des plus grands années.
95/100 Château Latour : nez profond à l’ambiance minérale-boisée discrète, très fermé. Bouche dense, presque rugueuse, aux tanins accrocheurs. Un vin bourru, certainement de grande garde, mais encore beaucoup trop imprécis.
Château Margaux: Le classicisme du Médoc.
Pauillac et Saint-Estèphe 2021
Elles font partie des grandes réussites. Ces deux appellations du nord du Médoc, plus ramassées, proches de la Gironde, au terroir homogène, ont globalement produit des vins de belle facture, dans un style moins généreux que les années précédentes, signature de ce millésime compliqué, plus léger et digeste. Voici les plus belles réussites des deux pépites du Nord-Médoc :
Pauillac :
96/100 Château Pichon-Longueville Baron : nez racé au boisé élégant. Bouche déjà très structurée par les tanins de bois, fruits noirs en retrait et délicate touche de cacao. Gros potentiel assurément.
95/100 Château Lynch-Bages : nez explosif mariant à merveille le fruit et le bois. Vin de grande garde, super qualité de bois, grain de tanin très élégant. Encore un nourrisson !
95/100 Petit Mouton de Château Mouton-Rothschild : nez concentré, racé, aux notes fruitées et boisées intenses. Bouche ample et élégante, trame tannique fine, maturité parfaite et fruit velouté en finale. Grandiose !
Château Pichon Longeville Baron, un choix fiable dans ce millésime complexe.
Saint-Estèphe :
96/100 Château Cos d’Estournel : nez encore fermé, minéral et boisé, élégant. Bouche charnue, au boisé fondu, très belle maturité du fruit en finale. Un vin de garde, encore un peu secret, très prometteur.
93/100 Château Les Ormes de Pez : nez fruité teinté d’un léger végétal. Joli jus en bouche, très cohérent, avec un boisé un peu viril mais aussi beaucoup de race !
93/100 Château Phélan-Ségur : nez gourmand de fruits rouges et de vanille. Bouche concentrée, dense où le bois domine encore. Bel assemblage, qui devrait faire rapidement ses preuves.
2021 Saint-Julien and Margaux
Voici les deux appellations du Médoc où nous avons ressenti le plus d’hétérogénéité. Comme quelques vins s’en sortent bien mieux à ce stade, ce sont ceux que nous avons choisi de vous présenter.
Saint-Julien :
96/100 Château Lagrange : le nez propose une partition fruite généreuse, gourmande, bien mûre. Boisé précis. Bouche d’une grande souplesse, tanins policés, ampleur et générosité du fruit. Déjà très bien en place.
96/100 Château Léoville-Barton : nez plein de sève, mariant fruits bien mûrs et boisé d’une grande finesse. Bouche droite, tendue par la fraîcheur. Un bouquet fruité alléchant, plein de jus. Elevage racé. Vin complet, beau potentiel.
Margaux :
95/100 Château Lascombes : nez racé, accents floraux, bourgeon, boisé subtil. La bouche affiche déjà une structure harmonieuse, avec un joli fondu fruit-bois, même si les arômes sont évidemment encore juvéniles. Une valeur sûre de Margaux qui confirme une fois de plus.
95/100 Château Giscours : nez boisé-fumé et vanillé délicat, fruits rouges et noirs bien mûrs. Bouche enveloppante, puissante, charnue, mariant expression gourmande du fruit à des tanins polis, bien en place. Finale sur la fraîcheur.
94/100 Château Desmirail : nez droit, fruité et floral, très pur. La bouche est plus boisée et reste harmonieuse, avec une finale largement vanillée. Un vin sous l’emprise du bois, prometteur.
Pessac-Léognan
Cette appellation du sud de Bordeaux a connu un hiver doux et un débourrement précoce avec les conséquences que l’on connaît début avril. La fin du cycle, plus calme, permit de récolter des raisins sains et d’élaborer un millésime de faible volume mais qui propose de belles qualités. Les blancs sont frais et très aromatiques. Les rouges montrent plus de disparités mais avec un fruit intéressant et beaucoup de croquant.
96/100 Château Pape Clément : Nez concentré de fruits rouges et noirs. Bois presque imperceptible. La bouche montre une jolie concentration alliant rigueur et classicisme. Une construction pensée sur le long terme.
95/100 Domaine de Chevalier : Nez fruit et boisé intense, très engageant. La bouche est déjà remarquablement ample, le boisé est racé et le fruit présent. Tous les ingrédients sont là pour une grande bouteille.
Sauternes and Barsac
Ici aussi, l’hiver a été pluvieux mais assez doux ce qui a amené un débourrement précoce et une avance perdue avec un printemps froid et un début avril marqué par le gel. La floraison s’est bien passée mais le mois de juin particulièrement pluvieux a engendré coulure et pression parasitaire. Le Botrytis était finalement bien installé et les vendanges se sont très bien déroulées pour produire des vins liquoreux de belle facture, mais en très, très faible quantité !
93/100 Château Suduiraut : Nez frais, très élégant, fleurs blanches, fruits mûrs et croquants. Bouche d’une grande fraîcheur, alerte, belle longueur et sapidité. Un style racé.
93/100 Château de Rayne-Vigneau : Nez minéral, fruits blancs, touche miellée gourmande. Bouche typique, acidulées, riche, avec une sensation acide qui dynamise l’ensemble.
92/100 Château Lamothe-Guignard : Nez salin, fruits à chair blanche confits. Bouche aérienne qui garde le même registre avec une finale acidulée et confite gourmande.
Saint-Emilion
Hétérogénéité à tous les étages ! Sans doute le millésime le plus difficile depuis 2013. Mais 2021 a été sauvé par son cycle végétatif inhabituellement long débuté avec un débourrement début avril, et des dates de vendanges qui se sont échelonnées jusqu’à la mi-octobre, grâce à un ensoleillement plus que nécessaire. Cette situation a évidemment plus profité aux cabernets qu’au merlot, si présent en Libournais.
Saint-émilion grand Cru
98/100 Château Figeac : Nez précis, très homogène, mûr, boisé fondu et élégant. Belle sève en bouche, de la structure, un fruit d’une rare pureté. Une réelle réussite, déjà très probante, sans doute décuplée par l’assemblage unique du château.
97/100 Château Pavie : Nez très homogène avec un boisé pas trop invasif. Ampleur, plénitude, générosité. Finale aromatique où les cabernets donnent tout. Superbe !
96/100 Château Cheval blanc : Nez ramassé, discret, fruit timide. Bouche ample et charnue aux tanins d’une grande délicatesse. Finale en place, qui doit se libérer de l’emprise d’un bois généreux mais qualitatif.
Cette année, le Château Figeac est une véritable révélation, tout comme son tout nouveau chai.
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