Terroirs

Le Mourvèdre a le sud dans la peau

La Provence et notamment Bandol l’ont fait roi, mais le mourvèdre siège aussi sur le trône de bons nombres de régions viticoles méridionales prestigieuses comme la Vallée du Rhône, le Languedoc ou le Roussillon. Eclairage sur un cépage contraignant, tardif, difficile à dompter mais tellement unique lorsqu’il parvient à pleine maturité.

Les vignes du Cellier des Princes et Châteauneuf-du-Pape en fond

Les vignes du Cellier des Princes et Châteauneuf-du-Pape en fond.

 

 

Insaisissable, le mourvèdre a le pedigree d’un cépage aux origines mystérieuses. Selon toute vraisemblance, il aurait puisé ses racines en Espagne (Catalogne) et son nom pourrait provenir de celui d’une commune de la province de Valence appelée Murviedro ou de Mataro, près de Barcelone. Abandonné après l’invasion phylloxérique et accusé de mille maux (dégénérescence, manque de production, culture exigeante, qualité irrégulière, etc…), il a été longtemps délaissé lors de la reconstitution du vignoble. Comme son cousin le grenache, le mourvèdre a le tempérament sudiste dans la peau. Indomptable, caractériel, capricieux et si généreux quand on sait l’apprivoiser, il a rapidement su se faire une place de choix au sein du bassin méditerranéen. « Il doit avoir les pieds dans l’eau et la tête au soleil », nous glisse un à un les interlocuteurs qui sont intervenus sur ce dossier. C’est ainsi qu’il donne sa pleine mesure, sublimé par des conditions naturelles exceptionnelles comme sur le terroir de Bandol où il est devenu le cépage majoritaire, celui par qui la réputation des vins a traversé les frontières et le temps. Exigeant et tardif, il tire son épingle du jeu de sa capacité à arrondir les angles et à délivrer des vins suaves et structurés, taillés pour la garde. Tellement qualitatif lorsqu’il parvient à pleine maturité, il est sans doute l’un des plus en phase avec le changement climatique en cours. Mais il faut du temps et de la patience aux vignerons pour exprimer toute sa richesse et canaliser son irrégularité. Outre la Provence, on le retrouve majoritairement sur les aires d’appellations de la Vallée du Rhône méridionale et du Languedoc-Roussillon. C’est là que nous sommes allés enquêter sur ce cépage si particulier qui pourrait bien devenir incontournable dans les années à venir.

 

 

Domaine de l'Olivette: a prophète dans son pays

Depuis maintenant deux siècles, la famille Dumoutier est à la tête du Domaine de l’Olivette. Un havre de paix de 55 hectares où le mourvèdre, cépage roi de l’appellation Bandol, exprime toute sa richesse entre collines et mer Méditerranée, protégé par un amphithéâtre naturel boisé. « Ici, on a la chance de pouvoir le mener à maturité via une climatologie parfaite et des expositions de parcelles millimétrées », glisse Jean-Luc Dumoutier qui fait les beaux jours du domaine depuis 2005. Ce dernier a renoncé à la PME qu’il dirigeait alors pour venir s’installer au cœur des vignes. Un choix qui s’est avéré judicieux car sur les coteaux du Castellet, il dispose de conditions optimums pour que le mourvèdre donne sa pleine mesure et délivre toute sa palette aromatique : « Les Rouges de Bandol sont souvent très structurés, complexes, puissants mais fins avec cette petite touche épicée qui caresse le palais », ajoute le propriétaire. « Quant aux rosés, ils ont cette capacité à accompagner un menu gastronomique, à être gourmand et allier finesse et élégance. » Sur ce terroir argilo-calcaire en restanque, l’ancien chef d’entreprise privilégie les petits rendements (30hl/ha pour les rouges et 35hl/ha pour les rosés) : « C’est essentiel pour disposer de jolis raisins avec de la concentration aromatique mais sans l’exacerber, et puis avec le mourvèdre, on dispose d’une très belle matière naturellement oxydante, ce serait dommage de ne pas en profiter ! » Des vins qui ont cette capacité à voyager dans le temps mais qu’il convient d’apprivoiser avec tact : « Les tanins peuvent être parfois déroutants dans la prime jeunesse, il faut donc une récolte à parfaite maturité et non en surmaturité (souvent récolté un mois plus tard que le grenache), et évidemment faire preuve de patience pendant l’élevage pour qu’il acquiert une nouvelle dimension et donne dans le raffinement ». 20 mois de garde par exemple pour le rosé « Absolue » composé de mourvèdre à 90%. « C’est ainsi que je le préfère », conclut Jean-Luc Dumoutier, « quand il aime se faire désirer et qu’il pousse le vigneron dans ses retranchements. »

 

Jean-Luc Dumoutier, le vigneron de l’Olivette depuis 2005

Jean-Luc Dumoutier, le vigneron de l’Olivette depuis 2005.

 

 

Domaine de l'Olivette entre les collines et la Mer Méditerranée

Domaine de l'Olivette entre les collines et la Mer Méditerranée.

 

 

Château Pech-Latt: un désir ardent

Lagrasse, au cœur de l’appellation Corbières en Languedoc. Pech-Latt, en occitan « haut d’une colline large », en référence à la vaste étendue vallonnée sur laquelle s’étend le domaine, se situe dans un cirque naturel entouré de collines et de garrigue, à 150 mètres d’altitude, au pied de la montagne Alaric. C’est ici, dans ces reliefs composés de sols calcaires et de marnes rouges, que Marc-Simon Boyer a pris le rôle de régisseur du domaine en août 2022. « J’ai été séduit par ce terroir exceptionnel et par l’engagement vertueux puisque Pech-Latt est un pionnier du bio dans la région, certifié depuis 1991 ! » Sur les 160 ha, un peu plus de 10 sont consacrés au mourvèdre et la tendance est plutôt exponentielle. « On a envie de le mettre en avant car il apporte beaucoup dans les assemblages par son acidité et sa capacité à structurer les vins mais il faut arriver à le canaliser », explique le régisseur en mettant en avant la cuvée « L’Ile ardente », sans sulfites, et à majorité de mourvèdre. 2 hectares l’an passé et encore un autre cette année, la replantation de ce cépage est en bonne voie. « C’est sans conteste un cépage améliorateur mais il convient de le surveiller de très près et ce, dès le débourrement », ajoute-t-il. « Il est en plus sensible à l’esca, ce qui engendre de fortes mortalités, c’est pourquoi nous avons décidé de le rehausser à l’avenir. La taille aussi est importante, il convient de protéger les grappes en laissant de belles feuilles. C’est un cépage qui a besoin d’une belle exposition sud et de terrain proche de l’eau pour arriver à pleine maturité ». Une fois les conditions réunies sur des sols stables, le mourvèdre fait jouer ses qualités d’acidité, de velouté et d’arôme réglissé. « Ce qui est parfois déroutant, c’est son évolution », poursuit Marc-Simon Boyer, « on ne sait pas forcément à quoi il va ressembler après quelques années de garde ». Le côté « indomptable » du mourvèdre, comme un enfant qui passe à l’adolescence et dont le caractère va radicalement changer. « Mais c’est ce qui fait aussi son charme », conclut le régisseur.

 

Les vendanges au Château Pech-Latt

Les vendanges au Château Pech-Latt.

 

 

Marc-Simon a rejoint Pech-Latt en tant que régisseur en 2021

Marc-Simon a rejoint Pech-Latt en tant que régisseur en 2021.

 

 

Le Cellier des Princes: une petite place sur le trône

En traversant Courthézon, impossible de manquer l’immense caveau installé au bord de la Nationale 7. Seul groupement de producteurs de Châteauneuf-du-Pape, le Cellier des Princes, créé en 1925, est une institution dans le Vaucluse. Avec 600 hectares de vignes, plus d’une centaine de coopérateurs et environ 2 millions de bouteilles en appellation et en cru, la coopérative ne passe pas inaperçue. Surtout depuis qu’elle a entamé, en 2005, une vraie révolution stratégique en décidant de réduire drastiquement le vrac pour créer sa propre marque. Thierry Ferley est arrivé il y a quinze ans, aux prémices de ce changement de cap : « La dynamique est bonne et pas mal de nouveaux coopérateurs affluent sur toutes les appellations comme Vacqueyras, Cairanne, Rasteau ou Gigondas ». L’œnologue suit toute la partie technique, de la vendange à la mise, alors quand on lui parle du mourvèdre, il trouve rapidement ses mots : « Dans le contexte climatique, sa caractéristique à débourrer tardivement est un vrai plus et il a vraiment tendance à apporter une tonalité différente aux vins dans les assemblages. Et surtout, s’il est bien travaillé en début de vinification, il fait baisser le taux de sucre, le degré d’alcool et ramène plus d’acidité. » Niveau culture, il y a tout de même un bémol. « C’est un cépage qui aime la chaleur mais qui craint la sécheresse, il faut donc faire attention à ne pas le mettre sur des terroirs trop sensibles à ce phénomène », ajoute-t-il. Sur les galets roulés typiques de Châteauneuf qui jouent le rôle d’éponge et qui régulent l’apport en eau, ou sur les terroirs sablonneux plus profonds, le mourvèdre réagit bien. « Il faut cependant penser à effectuer une taille assez courte car il ne supporte pas trop les gros rendements », poursuit l’intéressé. Avec un petit 4% d’encépagement sur toute la surface viticole de la cave, le mourvèdre n’est pas omniprésent mais il trouve peu à peu ses adeptes, notamment sur le cru Rasteau. « Son côté réducteur est très complémentaire du grenache qui est oxydatif et cela permet à ce dernier de bien vieillir », prolonge Thierry Ferley. Comme sur la cuvée du domaine Le Mourre originellement un monocépage de grenache où le coopérateur a décidé d’inclure 10 à 15% de mourvèdre pour lisser l’aromatique sur la garrigue, le poivre et les fruits noirs.

 

Thierry Ferley, l’œnologue du Cellier des Princes

Thierry Ferley, l’œnologue du Cellier des Princes.

 

 

Les fameux galets roulés de Châteauneuf-du-Pape

Les fameux galets roulés de Châteauneuf-du-Pape.

 

 

Terre d'Expression: le savoir-faire occitan

Comme nombre de caves coopératives de la région du Languedoc-Roussillon, Terre d’Expression est née de la fusion de plusieurs entités. Au point de regrouper aujourd’hui environ 1400 à 1500 hectares de vignes sur 33 communes, du Val de Dagne au Lézignanais. Un ancrage local que le groupement arbore fièrement avec une communication dans la langue régionale et une croix occitane comme identité visuelle. Technicien vignoble depuis 2015 avant d’être nommé directeur il y a deux ans, Quentin Fischer connaît bien le mourvèdre malgré un encépagement plutôt limité sur la cave : « On en a surtout sur les communes qui vont se rapprocher de la mer comme Férals et Fabrezan car le marin est essentiel pour le déblocage de sa maturité. C’est un cépage qui est souvent poussé dans ses retranchements avec des souches stressées avant même de mûrir. » Les forts épisodes successifs de sécheresse et son débourrement tardif ont tendance à tirer sur les plants plus longtemps que les autres cépages et cela s’en ressent. « On a pas mal de mortalité sur la structure, c’est pourquoi on se pose souvent la question de la replantation. Est-ce judicieux ? » s’interroge le directeur. « On prend aussi en compte les épisodes cévenols qui compliquent la tâche des vignerons coopérateurs quand il s’agit de pousser les maturités ». Mais l’apport aromatique sur les épices, le poivre noir, la réglisse et le cacao, ainsi que cette capacité à pousser les vins dans le temps ne laissent personne indifférent. « Le grenache apporte de la rondeur, le carignan une certaine puissance et le mourvèdre s'harmonise bien avec la suavité et les épices de la syrah. Et puis son évolution plus giboyeuse, sur des notes de truffe et de sous-bois fait merveille dans les dégustations de vieux millésimes ». Un cépage qui a de l’avenir dans la région.

 

Quentin Fischer (au milieu) dans les vignes de coopérateurs de Terre d’Expression

Quentin Fischer (au milieu) dans les vignes de coopérateurs de Terre d’Expression.

 

 

Château La Canourgue: Noble et généreux

C’est l’histoire d’un fief érigé en Comté par le pape Benoît XIV. Le Château La Canorgue, qui doit son nom aux nombreuses canalisations souterraines que les Romains avaient taillées dans le roc pour capter l’eau, appartient à la famille Margan depuis cinq générations. Un domaine précurseur puisqu’il fut le premier en agriculture bio dans le Luberon il y a 40 ans. Sur le domaine, un seul petit hectare de mourvèdre sur les 40 à majorité de syrah mais un intérêt indéniable. « C’est un excellent complément pour donner de la longueur et de la structure à nos rouges à condition bien sûr qu’il soit ramassé bien mûr », confie Jean-Pierre Margan, dont la fille, Nathalie a repris le flambeau il y a 15 ans. « Pour les rosés, il livre d’excellents jus, de la couleur et une belle acidité ». Le parcellaire de mourvèdre se décompose entre une vieille vigne de 40 ans dans la partie plaine et une autre plus jeune (6-7 ans) sur les coteaux du Luberon qui souffre plus de la sécheresse. « C’est vraiment un cépage qui a besoin de voir la mer mais il n’a pas besoin d’une alimentation en eau abondante, il doit surtout en recevoir de façon régulière et c’est là où cela peut se compliquer avec les phénomènes longs et répétitifs de canicule », poursuit-il. Heureusement, le terroir argilo-calcaire a tendance à compenser grâce aux sols profonds et développe une chaleur automnale qui assure une maturité des tanins et une accumulation optimale des sucres. « Le mourvèdre apporte complexité et tanins soyeux et on peut assurément dire qu’un passage dans le bois ne lui fait pas de mal, bien au contraire », conclut le propriétaire qui loue la longévité et le côté racé des vins à base de ce cépage noble.

 

Jean-Pierre Margan a passé le flambeau à sa fille Nathalie

Jean-Pierre Margan a passé le flambeau à sa fille Nathalie.

 

 

Domaine du Gros Pata: des Coteaux et du bois

Sur la route de Villedieu, à Vaison-la-Romaine, Sabine Garagnon veille au grain. La propriétaire du domaine du Gros Pata (du nom d’une ancienne monnaie provençale) affiche un sacré dynamisme quand on évoque le terroir local : « J’ai fait ma première vinification à l’âge de 16 ans alors je commence à bien le connaître », explique-t-elle avec Lucas, son fils, à ses côtés. « Ici, on a deux types de sols : un sablonneux que l’on utilise plutôt pour les rosés et un autre argilo-calcaire plutôt pour les rouges où le mourvèdre donne sa pleine mesure ». Ce dernier se plaît bien sur les hauts coteaux fertiles (250-300 m d’altitude) où il dispose d’un ensoleillement et d’une lumière total sans souffrir de la sécheresse. « Les journées chaudes et les nuits fraîches lui offrent un vrai matelas pour une maturité optimale », ajoute-t-elle. « Il faut quand même le surveiller car il peut être sensible au mildiou ou à l’oïdium, mais en revanche il ne craint pas la pourriture grise grâce à l’épaisseur de sa peau ». Dans les vins, le mourvèdre apporte sa patte à l’édifice des Garagnon : « Dans la cuvée Nos Racines en AOC Côtes du Rhône-Village Vaison la Romaine, il vient enrober les tanins, donner de la structure et apporter une grande fraîcheur et de la longueur, ainsi que ses épices caractéristiques. C’est un cépage qui a le don de sublimer les autres (souvent grenache et syrah) surtout quand il voit un peu de bois ».

 

Sabine Garagnon la vigneronne et son fils Lucas, l’avenir du domaine

Sabine Garagnon la vigneronne et son fils Lucas, l’avenir du domaine.

 

 

Les vignes du Domaine du Gros Pata à Vaison-la-Romaine

Les vignes du Domaine du Gros Pata à Vaison-la-Romaine.

 

 

Cellier des Demoiselles: le 4ème mousquetaire

En Corbières comme dans le roman d’Alexandre Dumas, les trois mousquetaires sont en réalité quatre : la syrah, le grenache, le carignan et… le mourvèdre. Au Cellier des Demoiselles, vignerons coopérateurs depuis 1914, le dernier larron n’est pas le plus répandu avec seulement 20 hectares sur les 400 que compte l’entité. « C’est un cépage qui a une réputation un peu sulfureuse car il est difficile à travailler et qu’il est souvent irrégulier », reconnaît Anaël Payrou, le directeur. « Il est donc assez peu présent sur notre terroir mais il y a quand même un regain d’intérêt auprès des coopérateurs ». Il correspond à un appel d’air qualitatif où désormais, chaque viticulteur a envie de développer une sorte d’indépendance. « On est très fier d’être une coopérative mais on aime cette mise en avant individuelle qui pousse à travailler mieux et à livrer les plus beaux raisins possibles », prolonge le directeur. « Le mourvèdre apporte sa touche haut de gamme aux vins lors des assemblages et je pense que c’est ce qui plaît aux producteurs et donc aux consommateurs ». La Bicyclette, l’une des trois cuvées bio du Cellier des Demoiselles, en est d’ailleurs le parfait exemple. « Sur les Corbières d’altitude, le mourvèdre apporte fraîcheur et épices, de jolis tanins et une finale mentholée, réglissée qui a beaucoup de succès », ajoute-t-il. C’est en général un vin qui demande une certaine gastronomie avec des plats relevés, généreux et riches en arômes. Ils sont très appropriés pour accompagner des plats de viande en sauce ou du gibier.

 

Mikael Delenne dans ses vignes de Fontjoncouse

Mikael Delenne dans ses vignes de Fontjoncouse.

 

 

Quelques vignes du Cellier des Demoiselles

Quelques vignes du Cellier des Demoiselles.

 

 

La famille des vins de Beauvignac: un complément idéal

Dans la famille des vins de Beauvignac (2400 ha et 500 vignerons), je demande le père de famille, alias Joël Julien, directeur général de la cave depuis 14 ans : « Le mourvèdre est pour les coopérateurs un choix de diversification et de complément mais il n’est pas essentiel à notre viabilité économique ». Sur les 160 000 hl de production annuelle de la coopérative, qui est la plus grosse structure du bassin de Thau, seuls 2000 à 2500 hl sont consacrés aux vins d’appellation où le mourvèdre a son mot à dire. « Il faut reconnaître que c’est un cépage un peu technique, pas facile à utiliser, qui craint les situations trop vigoureuses et les gros rendements, c’est pourquoi on ne le plante pas en plaine », prolonge le directeur. En revanche, il n’est pas inintéressant si l’on porte le regard loin. « C’est un cépage méditerranéen qui se comporte très bien sous la chaleur et qui globalement réagit bien au changement climatique », poursuit Joël Julien. « Il est tardif, comme le Piquepoul que nous connaissons bien ici et cela lui permet d’être assez loin de la maturité quand les grosses chaleurs d’août sont à leur paroxysme. Ainsi, malgré des millésimes de plus en plus précoces et secs, il s’en sort parfaitement bien ! ». A condition qu’il trouve des sols pauvres et profonds pour subvenir à un besoin hydrique évident. « Il a un potentiel photosynthétique assez faible et pour éviter qu’il perde son feuillage trop tôt, il lui faut de l’eau », précise-t-il. C’est ainsi qu’il exprime toute sa structure tannique, ses caractéristiques épicées et sa persistance aromatique quand il sert de complément à la syrah et/ou au grenache.

 

Le directeur de la famille des Vins de Beauvignac, Joël Julien

Le directeur de la famille des Vins de Beauvignac, Joël Julien.

 

 

Château de La Bégude: un rosé d'apparat

Au pied de la Sainte-Victoire, atypique massif calcaire de 15 km de long dont Paul Cézanne avait fait sa muse, le Château de la Bégude a de l’allure. Les 32 ha en agriculture biologique reposent sur un terroir argilo-calcaire assez unique grâce à des marnes rouges caractéristiques du village de Rousset. « On se croirait un peu dans un Far-West provençal », image Didier Lefebvre qui a repris la gestion du domaine à son père Jacques depuis quelques années. Ici le mourvèdre est un cépage accessoire (environ 3 ha, soit 9% de l’encépagement) mais pas secondaire. « Il a une importance considérable pour notre cuvée Château en rosé » (le mourvèdre ne rentre plus dans les assemblages de rouge depuis quelques millésimes), glisse l’intéressé. « Il apporte de l’acidité, de la rondeur, du gras et a cette faculté de structurer l’assemblage final. Pour faire des vins consistants, des vrais rosés de gastronomie, il est primordial ». Côté culture, le mourvèdre n’a rien d’exigeant sur le terroir chaud et calcaire local. « Il n’est pas trop gourmand en eau et se comporte bien face aux épisodes de sécheresse », confie Didier Lefebvre. « Il a aussi l’avantage de ne pas être très sensible aux maladies comme l’oïdium ou le mildiou car il a chez nous la particularité d’avoir un port érigé, d’être assez haut, ce qui le protège de l’humidité. En plus cela empêche les ravageurs d’en faire leur casse-croûte ». Les grappes sont plutôt longues, serrées et fournies. « On n’a pas de souci de rendement mais on fait en sorte de le canaliser pour arriver à environ 35hl/ha », conclut le vigneron.

 

Didier Lefebvre et son père Jacques veillent sur le Château de la Bégude

Didier Lefebvre et son père Jacques veillent sur le Château de la Bégude.