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Lalande-de-Pomerol : le secret bien gardé du Libournais
Par Camille Bernard – Photographies : fournies par les domaines, le 25 septembre 2023
Trésor bien caché de son appellation voisine, l’appellation Lalande-de-Pomerol surprend par son potentiel et son expression singulière du merlot. Malgré sa proximité avec l'illustre Pomerol, elle est souvent reléguée à l'arrière-plan de la scène viticole bordelaise. Pourtant, les vignerons qui cultivent avec passion ce terroir élèvent des vins d'une qualité indéniable. Nous avons donné la parole à quelques-uns d’entre eux.
Trésor bien caché de son appellation voisine, l’appellation Lalande-de-Pomerol surprend par son potentiel et son expression singulière du merlot. Malgré sa proximité avec l'illustre Pomerol, elle est souvent reléguée à l'arrière-plan de la scène viticole bordelaise. Pourtant, les vignerons qui cultivent avec passion ce terroir élèvent des vins d'une qualité indéniable. Nous avons donné la parole à quelques-uns d’entre eux.
A trente kilomètres de Bordeaux, dans la région viticole du libournais, l’appellation Lalande-de-Pomerol s’étend sur 1100 hectares de vignes répartis entre la commune éponyme et celle de Néac. Satellite de la prestigieuse appellation de Pomerol dont elle n’est séparée que par la rivière Barbanne, elle recouvre des terroirs qui, comme ceux de son illustre voisine, balayent des sols de graves, d’argiles et de sables.
Baignés par un climat océanique tempéré, ces terroirs produisent des vins d’un classicisme élégant, tout aussi délicats qu’aptes à la garde.
Si ces nectars bacchiques soutiennent la comparaison avec ceux produits par sa voisine plus réputée, ils peinent pourtant à sortir de l’ombre de cette dernière. Cette discrétion en fait une appellation à (re)découvrir d’urgence, ne serait-ce que pour le plaisir de déguster des vins produits par des vignerons passionnés et engagés qui redoublent d’efforts pour valoriser leur terroir.
Pour en prendre la mesure, nous en avons rencontré quelques-uns qui, conscients du potentiel de leur appellation, aspirent à une reconnaissance à la hauteur de leur engagement et de leur savoir-faire. Un voyage au cœur d’un vignoble à la personnalité affirmée où naissent des vins qui, une fois découverts, ne sont jamais oubliés.
Xavier Piton, propriétaire du Château Belles Graves et Président du Syndicat des Vins de Lalande-de-Pomerol.
Château Belles Graves : « l’AOC la plus stable de la rive droite ces 20 dernières années »
« Le Château Belles Graves est un domaine familial qu’a acquis mon grand-père en 1938 », explique Xavier Piton, son actuel propriétaire. Arrivé sur l’exploitation en 1988, ce dernier a « progressivement agrandi la propriété jusqu’à 17 hectares » et conduit désormais le vignoble « en agriculture raisonnée avec une forte inspiration vers l’agriculture biologique et biodynamique. ». Parce qu’il ne se contraint à rien et se laisse « le maximum de possibilités pour trouver la solution la plus adaptée au moment et à l’humain », le vigneron « accompagne » son terroir tout en veillant à « le laisser s’exprimer ». Et, en ces lieux où « la vigne est cultivée depuis le XVème siècle », il tire la quintessence d’un vignoble où se côtoient des sols tantôt argilo-graveleux, tantôt graveleux avec une dominante de silex et parfois même argilo-limoneux. Selon les millésimes, ces nuances géologiques produisent jusqu’à trois cuvées en appellation Lalande-de-Pomerol.
Volontairement très différents les-uns-des-autres, « ces vins sont le fruit des échanges permanents que nous avons avec notre clientèle de particuliers et d’importateurs, lesquels nous permettent de produire des vins qui plaisent. ». Cette capacité à « prendre le pouls » favorise d’ailleurs « une excellente fidélisation ». Et le vigneron reconnait que c’est bien là la force de l’AOC à part entière, au-delà de la force commerciale de son exploitation, que « d’avoir cette échelle très humaine dans cette appellation qui, commercialement, est d’ailleurs l’AOC la plus stable de la rive droite ces 20 dernières années, malgré les difficultés à faire monter sa notoriété du fait des faibles volumes qu’elle produit ».
Les vignes de Château La Petite Duchesse.
S’il a fallu attendre 2010 pour que cette dernière puisse acquérir un chai et ainsi vinifier ses vins sous cette appellation « car il était interdit de vinifier les vins en AOC Lalande avec ceux en AOC Bordeaux », « nous n'avons jamais eu de difficultés à vendre les vins de Lalande-de-Pomerol, malgré notre arrivée tardive sur l’AOC ».
Un constat que l’on veut bien croire, d’autant que Lucie affirme ne plus avoir « une seule bouteille de Lalande à vendre à partir du mois d’août. ». Si le prix de vente de ces vins, reconnait-elle, n’a pas évolué depuis le début de leur commercialisation, cette attractivité ne peut à elle seule expliquer un tel succès commercial. Forts d’une implantation locale dont l’étendard est « un point de vente que nous possédons et animons sur Saint-Médard depuis plus de 40 ans », les vins de la famille Champagne trouvent « une réponse très favorable auprès des particuliers ».
Le Château Castel Viaud entouré de ses vignes.
Château Castel Viaud : « la production trouve un écho très favorable auprès des particuliers »
« L’histoire du Château Castel Viaud remonte à l’après-guerre, lorsque mon grand-père, après avoir été démobilisé, a commencé à exploiter la vigne alors qu’il avait déjà quelques terres en polyculture », raconte Laurent Courty, en charge de l’exploitation familiale. Après avoir structuré le vignoble jusqu’à atteindre la superficie de 12 hectares sur Lalande-de-Pomerol, « les acquisitions successives et la reprise de quelques hectares en fermage nous ont permis de porter la surface actuelle à près de 16 hectares. ».
Crasse de fer observée dans le vignoble de Lalande-de-Pomerol.
Composés de graves fines évoluant sur un sous-sol de crasse de fer qui « confère à nos vins un profil très aromatique sur la cerise noire, le kirsch et des notes de fraise des bois », les sols du vignoble de Castel Viaud sont le terrain de prédilection du merlot, que complètent 10% de cabernet franc et 10% de cabernet sauvignon.
Le chai à barriques du Château Castel Viaud.
Parce que les vendanges sont éraflées à 100% « pour réduire la charge tanique de nos vins », les trois cuvées produites en Lalande-de-Pomerol sont « fruitées et gourmandes », conformes au « style de la maison » et, surtout, conformes au « mouvement actuel des consommateurs qui recherchent ce type de vin ».
La salle de dégustation du Château Castel Viaud.
D’ailleurs, si le vigneron vend une partie de ses vins au négoce, où il précise n’avoir « aucune difficulté à le commercialiser par rapport à d’autres appellations, le reste de la production trouve un écho très favorable auprès des particuliers, auxquels on vend surtout en direct mais aussi via les cavistes et les duty-free dans les aéroports ».
Château Vieille Dynastie : « Lalande-de-Pomerol est une appellation à ne pas rater »
Cinquième génération d’une famille de vignerons traditionnellement dévouée à la production de Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Frédéric Borderie a rejoint l’entreprise familiale en 2005.
Frédéric Borderie, propriétaire du Château Vieille Dynastie.
Si les vignobles Borderies balayaient près de 40 hectares principalement dédiés à la production de l’AOC générique avant son arrivée, « l’acquisition du Château Vieille Dynastie en 2011 nous a permis de récupérer des parcelles sur Lalande-de-Pomerol », explique ce dernier. Particularité de cette propriété de 6,5 hectares d’un seul tenant, « son sol exclusivement gravelo-sableux est très favorable aux cabernets francs et sauvignons qui s’y sentent bien, tandis que les merlots peuvent à l’inverse y souffrir. ».
Le terroir du Château Vieille Dynastie.
Conscient de la nécessité de « conjuguer efficacité technique et respect de l’environnement », le vigneron conduit son vignoble en HVE 3 et limite ainsi les intrants chimiques tout en favorisant la biodiversité. Inscrit dans cette démarche durable, le vignoble dispose de toutes les capacités pour produire « le raisin le plus sain possible ». Ce raisin, qui produit deux cuvées en Lalande-de-Pomerol, est vendangé « le plus tôt possible pour conférer de la fraîcheur à nos vins que l’on veut digestes ». Convaincu que « l’appellation Lalande-de-Pomerol est une appellation à ne pas rater car ce qui faisait son défaut il y a 20 ans est une qualité aujourd’hui », l’homme travaille ses vins sur la souplesse. Inox, béton, barriques et même amphore pour sa cuvée Eléonore, Frédéric se donne les moyens de placer ses vins dans un marché qu’il juge favorable à cette « AOC qui bénéficie aujourd’hui d’une belle notoriété en France comme à l’étranger, grâce à une belle dynamique initiée par des consommateurs à la recherche de vins de qualité mais abordables ».
Les vignes en AOC Lalande-de-Pomerol des Vignobles Bedrenne.
Vignobles Bedrenne : « la notoriété de Pomerol sans en avoir les prix »
S’il y a bien une exploitation incontournable de l’appellation Lalande-de-Pomerol, ce sont les vignobles Bedrenne. Pour cause, « l’accueil de la propriété est situé en plein cœur du village de Lalande-de-Pomerol, en face de l’église », explique Chloé Corfias, en charge des missions commerciales et marketing de l’exploitation familiale.
Le point d'accueil et de vente des Vignobles Bedrenne.
Aujourd’hui dirigés par Monique Bedrenne et son fils Rémi, « les vignobles Bedrenne sont un héritage des parents de Monique que son père avait restructurés pour en faire un vignoble d’un seul tenant. ».
Monique et Rémi Bedrenne, propriétaires des Vignobles Bedrenne.
Sur les 13 hectares que compte l’exploitation, « la partie consacrée à l’AOC Lalande-de-Pomerol couvre une superficie d’environ 9 hectares où se mêlent sable, graves et argiles bleus ». Un terroir où s’épanouit particulièrement bien le merlot, lequel représente 90% de l’encépagement du vignoble. Cultivées avec soin et sans intrants chimiques, les vignes âgées de 45 à 70 ans pour les plus vieilles produisent « trois cuvées aux profils différents ». Ainsi, « la cuvée La Croix de la Chenevelle suit les code de l’AOC Lalande-de-Pomerol : élégance, rondeur et finesse des tanins » tandis que « Modius révèle une trame plus complexe et structurée, conférée par les argiles bleues dont elle est issue ». Enfin, « la cuvée Halictus, sans sulfites, donne un vin gourmand et fruité. ». Grâce à cette gamme diversifiée où se côtoient finalement une cuvée classique (La Croix de la Chenevelle) et deux cuvées plus modernes, « nous nous développons de plus en plus à l’export et notamment aux Etats-Unis où la cuvée Halictus fonctionne très bien. ». Sur un plan local, « nos vins jouissent d’une belle visibilité et bénéficient de la notoriété de Pomerol sans en avoir les prix ».
Lalande de Pomerol : une alternative intéressante
Si l’AOC Lalande-de-Pomerol n’a ni la notoriété de l’AOC Pomerol, ni les volumes nécessaires pour prétendre à une visibilité substantielle à l’échelle internationale - comme l’a souligné Xavier Piton, Président du Syndicat des Vins de Lalande-de-Pomerol - voilà pourtant une appellation qui, parce qu’elle conjugue qualité et accessibilité, trouve un écho particulièrement favorable auprès des particuliers, lesquels apprécient la constance de ses vins et la sincérité de ses vignerons. Aussi, face à l'image parfois élitiste et inaccessible des grands crus de Bordeaux, les vins de Lalande-de-Pomerol offrent une alternative intéressante et les vignerons l'ont bien compris. Attachés à valoriser leur terroir tout en proposant des vins authentiques, ces derniers tirent leur épingle du jeu en occupant une place de choix dans le cœur d’une clientèle qu’ils ont la capacité de fidéliser.
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