Terroirs
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Face aux crises Bordeaux rivalise d’ingéniosité
Par Alain Echalier, le 31 janvier 2022
Le vignoble bordelais a été confronté ces dernières années à de multiples difficultés, « bordeaux bashing » hexagonal, changement climatique, Brexit, crise politique à Hong Kong, taxe Trump, pandémie mondiale… Seulement Bordeaux est plus que tout autre vignoble la vitrine œnologique de la France dans le monde entier. Quel est l’état des marchés en 2021 ? Quelles solutions ont-été trouvées ? Quelles sont réellement les conséquences de cet empilage de crises successives ? Pour le savoir, nous avons interrogé de multiples acteurs de la profession, voici leur verdict !
Plus ancien de tous les maux actuels, le phénomène « Bordeaux bashing » est un certain désamour de certains Français pour ce qui était de loin le vin le plus consommé nationalement. Or la France représente en valeur 57% du marché du vin de Bordeaux. Quatre causes l’expliquent :
- L’explosion du prix des Grands Crus de 700% entre 1986 et 2012 ; elle masque souvent une réalité du marché qui permet de trouver des vins agréables pour seulement quelques euros.
- Le changement des habitudes des consommateurs, de moins en moins enclins à attendre, joue au détriment des Bordeaux « classiques » de garde : concentrés et tanniques, peu aimables jeunes.
- Le plus grand vignoble français capte aussi une attention particulière des media qui veulent répandre la bonne parole face aux attentes écologiques croissantes des consommateurs. Or Bordeaux demeure un terroir à forte pluviométrie où la vigne est soumise à rude épreuve.
- Et enfin la mondialisation croissante met de plus en plus les vins de Bordeaux en concurrence, même sur le marché national
Ce phénomène s’est semble-t-il amplifié durant les 10 dernières années et nuit à l’image des vins de Bordeaux quels qu’ils soient.
Les marchés export sur le grill !
Commençons par la Chine, seconde économie mondiale, qui quand elle consomme du vin, aime boire du Bordeaux et est sensible à son prestige. En 2017, cela représentait plus de 700 millions d’euros, et le pays est la première destination export de Bordeaux. Historiquement, une partie conséquente de ces envois se faisait via le port franc de Hong Kong. Mais la crise politique de l’ancienne colonie britannique en 2019 et 2020, n’explique pas à elle seule la chute de l’export. Citons pêle-mêle : une vendange historiquement faible en 2017 (-39% par rapport à 2016), la concurrence des vins du Chili et de l’Australie qui ont bénéficié de droits de douane préférentiels, et aussi une réduction de près de moitié de l’importation en Chine des vins tranquilles toutes origines confondues …
Une autre importante destination à l’export des vins de Bordeaux sont les Etats-Unis. Plus de 300 millions d’euros en 2018. Mais suite à un différend commercial dans le secteur aéronautique, l’ex-président (Trump) a instauré en octobre 2019, une taxe de +25% sur les vins français de moins de 14°. Celle-ci est restée en place jusqu’à juin 2021, ce qui a entrainé une chute des ventes d’environ 100 millions d’euros, juste pour Bordeaux ! La troisième importante destination à l’export, historique, est le Royaume-Uni. Le calendrier interminable du Brexit et ses incertitudes ont, bien sûr, pesé négativement sur ce marché. Toutefois l’amour des Britanniques pour ce vin auquel ils ont beaucoup contribué ne s’est pas démenti, surtout sur le haut du segment. En 2020, 48% en volume des Grands Bordeaux s’expatriaient toujours de l’autre côté du "Channel".
Enfin, le Covid a impacté tous les marchés du Bordeaux. Contrairement à une crise « normale », cette pandémie a touché tous les pays consommateurs : la Chine dès la fin 2019, puis les pays Occidentaux à partir de mars et avril 2020. Les confinements successifs tout d’abord, la fermeture des bars et restaurants, en France et dans les pays d’export ont instantanément gelé la consommation et les commandes. La Chine s’est totalement fermée. Si à certains moments la consommation à domicile a pu montrer de bons chiffres - les grandes et moyennes surfaces ainsi que les cavistes restant ouverts – cela n’a pas compensé toute la baisse. Par exemple, pour les grandes surfaces en France, les ventes de Bordeaux ont baissé 5% en 2020. Cela est dû à une fréquentation moindre, au profit de commerces de proximité. L’incertitude quant à la reprise, a aussi gelé la plupart des commandes et les flux logistiques ont été considérablement modifiés, les volumes mondiaux ayant incroyablement baissé. Face à ce tsunami économique, l’embarcation girondine a sévèrement tangué mais s’efforce de garder le cap. Nous avons fait le point avec des acteurs viticoles de taille et d’origine très diverses, qui nous montrent globalement que l’énergie, la volonté et la créativité peuvent souvent « déplacer des montagnes ».
Château Les Bertrands : trouver des solutions économiques
Château Les Bertrands.
Cette propriété qui compte 140 hectares est située à Reignac, sur la rive droite de la Gironde. Son propriétaire en est Laurent Dubois. Le château est familial, depuis 9 générations. Les vins produits sont des Blaye Côte de Bordeaux, rouges, blancs et rosés, des Bordeaux supérieurs moelleux et du Clairet. Assez représentatif du Bordelais, ils exportent 60% et vendent 40% en France. La Chine représente la moitié du marché, et leurs vins se vendent aussi au Japon et au Cambodge. Le Covid a entrainé une très forte baisse. « En 2020, dans les 8 premiers mois, c’était -50%, ensuite c’est revenu à partir de septembre 2020, mais sans être encore au niveau de 2019 », indique Laurent. Parmi ses importateurs chinois qui couvrent directement Shangaï et Pékin sans passer par Hong Kong, il note que ce sont les gros qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu, les petits ont plus souffert. Et comme souvent en Chine, il s’agit quasiment exclusivement de vins rouges, assez forts en alcool. La taxe Trump a aussi été meurtrière, pour leurs vins qui partent vers New-York et la Californie et sont généralement achetés autour de 20 à 25 dollars par les consommateurs. Laurent a proposé à ses importateurs d’absorber pour moitié la hausse de 25%, lui faisant de même. L’un a refusé, les autres ont accepté. Mais le marché a eu du mal à repartir. Peut-être des vins d’autres pays ont-ils pris sa place ? Il faut dire qu’avec le Covid, la réduction du trafic maritime a entrainé une hausse des coûts du transport : multipliés par 3 pour un container vers les USA et par 2 vers l’Asie.
En France, ils commercialisent énormément via des salons : 18 par an. Leurs annulations ont eu un très fort impact. Les Dubois ont donc inondé leurs clients de Newsletters. Le Franco de port a été réduit de 48 bouteilles habituellement à 24. Finalement, ils ont quand même moins vendu. A ce jour les salons repartent, Laurent espère donc revenir à la situation d’avant le Covid. Mais ils ont compris l’importance d’entretenir une base de données clients. « Avant nous ne notions pas toujours leur e-mail », indique-t-il. « Maintenant, c’est systématique. L’impact est énorme ! »
Château Petit Val : une énergie incroyable
Cette propriété, proche de Saint-Emilion, dispose de 12 hectares mêlant des sols sablo-argileux et argilo-calcaires dont la production phare est un Saint-Emilion Grand Cru décliné en deux cuvées : Château Petit Val et Muse du Val (les 2016 ont obtenu respectivement 92 et 95/100). David Liorit en est le manager, une aventure débutée en 2014 avec les propriétaires, Jean-Louis et Olivia Alloin. La volonté est clairement de produire des vins haut de gamme (rendements de 35 hl/hectares en moyenne) et le château suit d’ailleurs une trajectoire ascendante qui ne se dément pas depuis les origines. L’export représente ici 60% des ventes, des marchés construits patiemment à grand renfort de voyages et de dégustations dans le monde entier, dans lesquels David a mis une énergie incroyable, ce qui l’a mené - entre autres - en Floride, au Japon ou au Maroc. La crise sanitaire a naturellement eu un impact, si l’on additionne la fermeture des restaurants, la taxe Trump et la période électorale américaine. Mais la résignation n’est pas dans l’adn de la maison et les ventes sont déjà reparties à la hausse.
« La vente directe fait partie de ces alternatives et nous allons donc ouvrir une boutique au château, où nous proposerons les produits du domaine et une visite-dégustation »
Sur le plan national, le Château a exploré de nouvelles pistes. Par exemple le « cavistes dating » en vidéo avec envoi d’échantillons. Ou encore les réseaux sociaux, qu’il alimente d’infos nouvelles chaque semaine. Il y a tellement de choses à raconter sur la gamme, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle montre une grande originalité : un 100% malbec, un riesling, des élevages en jarres pour obtenir des tanins arrondis... « Le temps dont nous disposions soudainement a permis de se poser et de réfléchir à des stratégies marketing différentes», explique David. « La vente directe fait partie de ces alternatives et nous allons donc ouvrir une boutique au château, où nous proposerons les produits du domaine et une visite-dégustation ». L’occasion, enfin, pour les amateurs de tous horizons, de découvrir cet écrin subtil au terroir singulier !
Vignerons indépendants : unis
C’est Cédric Coubris qui représente la Confédération pour la Gironde (550 vignerons, et 7 800 en France). Il nous explique les difficultés auxquelles ses membres ont été confrontées, et les réponses que le Syndicat a tenté d’apporter. Tout d’abord, avant même le Covid ou la Taxe Trump, c’est le Bordeaux bashing national, particulièrement lié aux questions environnementales, qu’il a fallu contrer. Il insiste lourdement pour que les produits utilisés, quand ils font l’objet d’articles de presse, soient ramenés à l’hectare. « Sinon », indique-t-il, « pour la plus grande région viticole française, c’est injustement pénalisant ». Le syndicat s’est ainsi battu pour que la certification Haute Valeur Environnementale (HVE), qui entérine de bonnes pratiques, soit reconnue, comme l’est l’Agriculture Biologique (AB). La Gironde est d’ailleurs leader national en HVE.
Cédric Coubris.
Face à la taxe Trump, les parlementaires français ont été interpellés et un fond de solidarité a été décidé en janvier 2020. Mais avant même qu’il puisse être débloqué, la pandémie est survenue. Plus de restaurants et plus aucun des 12 salons annuels qu’organisent les Vignerons Indépendants et qui drainent ½ million de visiteurs ! Le Syndicat a alors développé considérablement son site internet de vente en ligne (vigneron-independant.com). Les chiffres ont été multipliés par 4 et le site permet des achats en 5 langues. Ils ont aussi accompagné leurs adhérents dans l’amélioration de leurs mailings et la mise en place du Clic & Collect. Le but, au-delà des ventes, est aussi de maintenir le contact, explique Cédric. Car sinon, ce sont d’autres circuits qui se mettront en place. Or, pour les vignerons indépendants, la vente en directe est justement un de leur prérequis. Ils ont aussi veillé à ce que le Prêt Garanti par l’Etat français s’applique bien à leurs adhérents. Proposé avec 0% d’intérêt et jusqu’à 25% du chiffre d’affaire précédent, il a permis d’éviter les faillites en apportant de 10 K€ à 500 K€ par exploitations. 2020 a aussi été une année d’exonération de charges fiscales. Le remboursement du prêt, initialement prévu en 2021 a pu être reporté au printemps 2022 et doit s’étaler sur 7 années. En conclusion, positive, l’effet Covid a drainé 10% d’adhérents en plus au syndicat. Dans la difficulté, l’union fait encore plus la force.
Vignerons Indépendants.
Château Léoville Barton : attendre, sans compromissions
Damien Barton Sartorius.
Depuis 2 ans, c’est Damien Sartorius qui gère, avec sa mère, le célèbre Deuxième Grand Cru Classé. La famille possède aussi Langoa-Barton, avec qui les chais sont partagés. Le fameux Saint-Julien est exclusivement distribué par la place de Bordeaux, c’est-à-dire les négociants locaux. Le marché américain est considérable puisqu’il représente 30% de leur vente (et 15% pour Langoa-Barton). Pour une bouteille de Léoville, qui se vend autour de 150 dollars, une augmentation de 25% est donc conséquente, d’autant plus que les grands vins italiens n’étaient, eux, pas taxés. Si sur la rive droite où le merlot est roi, les vins atteignaient naturellement souvent 14.5° et échappaient alors tout juste à la taxe, n’était-il pas tentant d’augmenter un peu l’alcool des vins de Léoville, pour y échapper également ? « Nous aimons conserver un peu d’acidité dans nos vins », indique Damien. « Pas question de changer le style ». Toutefois le système d’achat en primeur avec une mise en attente a permis de réserver les vins. Les commandes étaient passées avec l’espoir que la taxe disparaisse au moment de l’envoie des vins ; pari réussi. Le marché a repris.
Chateau Léoville Barton et Chateau Langoa Barton.
C’est une période de grand calme commercial qui a donné du temps pour réorganiser la production avec les mesures sanitaires : un ouvrier par parcelle de vigne, pas de partage d’outils, vendangeurs séparés par petit groupe pour qu’un cas de Covid n’entraine pas l’isolation de tous… Les primeurs du printemps 2021 ont montré toutefois une vraie reprise. Commercialement Damien a enchainé les « visios » avec ses négociants et ses clients. Le célèbre Cru a même été envoyé en petits échantillons pour pouvoir être dégusté par les clients. L’expérience est positive car ceux qui sont parfois un peu timides échangent alors plus facilement en visioconférence avec le vigneron. Moins de temps, moins d’argent, meilleure empreinte carbone, une efficacité qui lui plait.
Mais les restaurants haut de gamme ont du mal à ré-ouvrir, or ces grands vins sont souvent dégustés dans des déjeuners d’affaires au restaurant. Les stocks augmentent donc, mais pas de façon exagérée. « Pas question d’embêter les restaurateurs. C’est du luxe, ça se vend, grâce au travail de mes aïeux, les marques sont très installées », indique le jeune homme reconnaissant.
Les Vignerons de Tutiac : adapter l’offre
Les Vignerons de Tutiac.
Cette coopérative créée en 1974 regroupe maintenant 520 vignerons. Originellement située en aires d’appellation Côtes de Bourg, Blaye, et Côtes de Bordeaux, elle inclue maintenant des Fronsacs, des Graves… et même des Sauternes. La grande majorité des coopérants font un apport complet de vendange. C’est important, explique Damien Malejacq, le directeur communication et marketing. Ce ne sont plus là les anciennes coopératives où des vignerons gardaient leurs bons raisins… et donnaient les autres à la cave. Et en plus, les apports sont rémunérés avec 10 niveaux de prix distincts pour encourager la qualité. Les techniciens de la coopérative procèdent d’ailleurs à des visites en amont des vendanges, pour vérifier l’adéquation avec les critères fixés.
55% des ventes se font en France, dont 80% en Grande Distribution, 10% en directe et 10% en circuit cavistes. La Grande Distribution se porte plutôt bien, dès lors qu’on sait s’adapter. Face aux demandes environnementales la cave gère 88% de ses surfaces en HVE, mais parie aussi sur une approche encore plus concrète pour 8 à 10% de sa production: le Zéro Résidu de Pesticides (ZRP). Ce label, venant du monde des légumes, est plus contraignant que le HVE pour les vignerons, mais plus lisible par le consommateur car il s’agit d’une promesse de résultats, validée par des analyses des vins faites en laboratoire. Il faut une grosse rigueur, des pressoirs et flexibles dédiés… Il coûte donc à peu près 20% plus cher à produire que le vin en agriculture conventionnelle. Mais c’est toutefois plus abordable que le bio, estimé à +40%, et il peut aussi être obtenu en 1 an, là où le bio en demande 3.
Damien Malejacq, le directeur communication et marketing.
En France avec le Covid les achats se sont reportés sur ce qui paraissait essentiel, et les prix moyens ont chuté. Le ZRP est donc arrivé juste à temps pour contrer cette baisse. A l’export, ça a plutôt été une opportunité de gagner des parts de marché. Eux n’ont pas fermé, sont restés au contact des clients et l’impact a été minime. Les marchés japonais, anglais, ou canadien ont même progressé.
Le marché du Sauternes, qui souffre d’un désamour pour le sucre est particulièrement déprécié. Avec 10% de la production de l’appellation, la cave a réagi et repensé les équilibres en réduisant les taux de sucre de 120 à 90 g/l. Elle propose aussi de le déguster en cocktail avec un crémant de Bordeaux, tendance qui se développe sur les Marchés Américains et Chinois.
Haut Macô : des vignerons tout simplement
Le château est assez représentatif de beaucoup des domaines de la région. Situé sur la rive droite, il compte 54 hectares, dont 58% de merlot et 27% de cabernet sauvignon. Propriété familiale, il est travaillé par deux frères et sœurs : Anne & Hugues Mallet, qui se font accompagner par un œnologue.
Les ventes s’effectuent essentiellement en France, via un réseau de particuliers, des comités d’entreprise et l’hôtellerie-restauration. 5 à 10% sont exportés vers le Japon, la Malaisie, les Etats-Unis, et parfois une grosse commande vient de Chine. « La première difficulté », confirme Hugues, « est bien sur le changement de modèle de consommation en France. Le verre à chaque repas a tendance à disparaitre avec cette génération, pour être remplacé par une consommation de week-end. Il faut donc répondre avec une gamme abordable pour le quotidien, et une plus gastronomique autour de 10 à 12€ pour le week-end. Il faut aussi tenter de compenser, en s’adressant à la restauration ».
Le Covid a au début plutôt généré un regain des ventes. Les gens cloîtrés chez eux, ont voulu se faire un peu plaisir. Mais ensuite, cela s’est calmé. Les Mallet ont donc fait un effort sur les livraisons, en proposant même d’aller livrer eux-mêmes le samedi ou le dimanche avec leur camionnette. Le vigneron vient chez vous ! Les Comités d’Entreprises sont heureusement des clients plutôt fidèles, et les ventes de cadeaux de fin d’année sont généralement récurrentes. La difficulté majeure est plutôt venue de la fermeture des restaurants, et du calendrier des différents confinements. Haut-Macô n’a guère pu profiter des « fenêtres d’ouverture » car les restaurants ont ré-ouvert en France à l’été 2020 et 2021, mais eux produisent essentiellement du vin rouge, moins apprécié avec des températures estivales élevées. Les ventes repartent maintenant, mais ce sont des approvisionnements en flux tendus, au carton de bouteille près, quitte à recommander et repayer des frais de livraison et éviter de se retrouver avec des stocks, si jamais un nouveau confinement surgissait.
En plus des 4-5 newsletters annuelles, le château est très attentif à la relation avec leurs clients directs et reçoivent avec plaisir au château. Montrer les vignes, le cuvier, expliquer la taille, l’élevage et faire déguster la gamme de vins, c’est tisser un lien beaucoup plus fort. Le développement de Château Macô s’est construit ainsi !
Château de Malleret : focus sur la qualité
Ce château, dont nous parlions dans Gilbert & Gaillard n°41 produit essentiellement un Haut Médoc, Cru Bourgeois exceptionnel, sur 46 hectares. « Le vin s’exporte bien, notamment aux Etats-Unis. Mais la taxe Trump a été une vraie difficulté », explique Paul Bordes, le Gérant. Vendue entre 25 et 30€, la bouteille est positionnée dans un milieu de gamme où le client regarde encore à la dépense, contrairement au grand luxe. Le Covid a aussi, comme pour tous les vignerons, eu un impact délétère. Les ventes ont donc décru et le stock augmenté. Quelles stratégies adopter face à ces difficultés ? « Maintenir le cap de progression en qualité » répond immédiatement le Gérant. Celui-ci a insufflé depuis 2013 une transformation complète du domaine. Les sols jouissent maintenant d’amendements naturels, des céréales sont plantées entre les rangs pour en améliorer le drainage, les vendanges sont totalement manuelles… cuverie et chai ont été entièrement refaits…
Château de Malleret : focus sur la qualité des raisins.
Tout d’abord, la conversion vers l’agriculture biologique a été enclenchée. Le premier millésime certifié, après les 3 années sans aucun traitement, devrait être 2023. Des arbres fruitiers commencent à séparer les parcelles, et quelques ruches ont été installées. Une dynamique vertueuse qui paiera certainement à terme, mais mobilise déjà les équipes. Paul Bordes, qui a travaillé dans la péninsule ibérique, a aussi fait installer une oliveraie. Non seulement c’est bon pour la biodiversité, mais l’idée est de commercialiser de l’huile d’olive. Vigne et olivier, ce sont là deux compères historiques. La diversification contribuera à la stabilité économique de l’entreprise.
Enfin pour répondre à un marché qui utilise de plus en plus Internet, le Château de Malleret dispose d’un site de vente en ligne. Moderne et intuitif, il permet de commercialiser en direct vers les consommateurs.
Vignobles Roux : construire avec la Grande Distribution
Outre ces quatre châteaux du Médoc (Puy Castéra, Pontey, Holden et Plagnac), Romain Roux possède aussi 300 hectares de vigne dans l’entre-deux mers. Entrepreneur dans l’âme, il insiste sur l’importance de ne pas rester sur ses acquis et accepte de partager un peu de son savoir-faire. Directement en partenariat avec les acheteurs de la Grande Distribution, il a tout d’abord analysé les tendances de fond, pour pouvoir répondre aux attentes de la clientèle. En premier lieu, celle d’acheter juste avant de consommer, impose de proposer une gamme de vins prêts à boire immédiatement. Exit donc le style dense et un peu fermé des bordeaux traditionnels : cela doit être bon tout de suite. Un autre aspect est la conscience écologique croissante des consommateurs. Là où il y a 10 ans, seul le prix était facteur d’achat, cela ne suffit plus maintenant. Il a donc adapté son vignoble pour pouvoir le faire certifier Haute Valeur Environnementale. Pour autant, le rapport qualité/prix reste fondamental et impose une maitrise des coûts. Il a par exemple co-construit avec l’enseigne Lidl la marque Château Les Tuileries, qui peut être proposée à 2,95€ la bouteille aux consommateurs. En exploitant son propre vignoble, les vins étant proposés toute l’année, cela peut être rentable, grâce à l’effet volume.
Romain Roux.
Enfin, pour diversifier sa gamme, Romain Roux a également une activité de négoce pour des vins du Sud. Avec la grande distribution, pendant la Foire aux Vins, il propose la marque Provenance, en rouge, rosé ou blanc, certifiée en Indication Géographique Protégée Terres du Midi que les consommateurs pourront retrouver chez Auchan VR2 Zoom sur étiquette. Les vins se vendent en bouteille, mais aussi en Bag In Box, ainsi maintenant que chez des soft discounters. Et le succès est au rendez-vous.
Le bout du tunnel
Accablés par des maux divers et successifs, la filière viticole bordelaise souffre, c’est indéniable, mais on peut constater que les capacités de réaction et d’adaptation sont immenses et permettent souvent de sauver l’essentiel, cumulées avec des aides gouvernementales bienvenues, même si tout le monde n’en sortira pas indemne naturellement. Les derniers chiffres sont quand même plutôt encourageants et la reprise économique se confirme. Cette terre de vins ancestrale a traversé nombre de catastrophes et de crises depuis les origines et les a toutes surmontées. Il n’y a aucune raison qu’il n’en soit pas de même pour celles-ci.
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